En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de canicule, les associés de Kéa ont voulu faire un jeu de mots sur la sècheresse, mais il n’a pas plu… Alors, ils vous rafraîchissent avec le décryptage des faits suivants :
Booooring Apocalypse
Et si le principal risque qui nous guettait était la « boring apocalypse » ?
C’est un des enjeux majeurs de l’IA, souligné par Jonathan Frankle d’Harvard : la surproduction decontenus à faible valeur ajoutée produits par l’IA nous ferait sombrer dans une mer d’ennui. Pire, le cœur même de notre travail pourrait être remplacé par l’IA. Elle s’octroierait les tâches qui nous apportaient du sens (réflexion, création, méthode… ) et nous n’aurions qu’un rôle de vérificateur. Et oui chers Cols Blancs, cette nouvelle révolution industrielle est la première qui va vous toucher directement : un « remake » des Temps Modernes, où plutôt que de visser, visser, visser comme Charlie Chaplin, vous allez prompter, prompter, prompter. Le rêve.
Que faire ? David Autor, passionnant économiste du MIT de passage à Paris pour le PSE-CEPR Policy Forum, nous met du baume au cœur : misons sur nos connaissances tacites. « Nous en savons plus que nous ne pouvons l’exprimer ».Et ces connaissances, socle de notre expertise, l’IA ne saurait les remplacer. Ouf.
Retrouvez-nous aux Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence
Ce pays où on ne peut pas entreprendre. Où on n'aime pas les riches et les performances, et qui décourage l'innovation. Ce pays où il est impossible de réussir et qui valorise la médiocrité.
Je pars m'installer dans ce pays qui attire le plus d'investissements en Europe et qui en est le premier producteur agricole. Ce pays dont la productivité horaire du travail est de 86 € (contre 67 en moyenne pour l’OCDE), qui est le 5e exportateur mondial et 1er en Europe des entreprises du Top 500 mondial. Ce pays qui est le 2e contributeur européen aux brevets déposés à l’EPO, la 4e puissance mondiale en intelligence artificielle, le 4e en Prix Nobel et le 2e en Médailles Field... Je rejoins la première destination touristique du monde, le 2e pays pour la plus longue espérance de vie et le 7e pour le nombre de millionnaires par habitant…
… Je pars pour la France !
(Merci Mehdi Coly, cofondateur de Team for the Planet, pour ce post qui nous fait échapper aux clichés et à la négativité nationale qui imprègnent tant nos représentations.)
Doucement le matin, et pas trop vite le soir
La chaleur nuit à la productivité (et ça ne sort pas de n’importe où).
En cette semaine « extra-caniculaire », pendant que l’attention était portée sur nos populations les plus vulnérables (et que vous vous désaltériez en terrasse ?), les sérieux de ce monde ont planché sur les effets de la température sur l’efficacité au travail.
Publiée par Stanford et Berkeley, une étude à grande échelle sur la corrélation entre chaleur et évolution du PIB nous apprend que le pic de productivité est atteint à… une température extérieure de 13°C. Emboîtant le pas, le MIT se base sur des données des 40 dernières années pour affirmer que la productivité baisse de 1,5 à 1,7 % par degré supplémentaire au-delà de 15°C. On vous laisse imaginer votre contribution au PIB cette semaine.
Conclusion : si le monde du travail est en première ligne des efforts d’adaptation à mener – allant de la rénovation nécessaire des lieux de travail à l’aménagement des horaires de bureau – les coûts à assumer pourraient, ici encore, être bien inférieurs aux gains réalisés.
La France attend donc avec impatience qu’il ne fasse plus trop chaud pour travailler. Enfin, là ça va déjà mieux. Plus d’excuse Gérard.
Souriez, vous êtes filmés
Les auditions des grands patrons au Parlement, au lieu d’être les rencontres publiques de deux mondes qui se méconnaissent, apparaissent souvent comme un choc infructueux des cultures.
Les commissions parlementaires ad hoc (11 depuis juin 24 contre 5 par an en moyenne) connaissent une vogue inédite et s’intéressent notamment aux grands patrons : Bernard Arnault, Patrick Pouyanné, Guillaume Faury… une quinzaine d’entre eux ont été entendus en mai-juin.
Sur le fond, on pourrait se réjouir de voir le Parlement exercer ce pouvoir d'investigation pour le compte du citoyen, encadré par la loi. Car les patrons sont aussi des témoins et des experts.
Mais la surenchère des groupes politiques, et surtout la présence des caméras, en pervertissent l'usage. Les patrons font des accusés faciles. Chacun se renvoie l’ascenseur. Les patrons reprochent aux élus leur incompétence économique et dénoncent « des tribunaux révolutionnaires ». Les élus arguent que personne n’est au-dessus de la loi et profitent de leur minute de gloire...S’il faut du temps pour se connaître, pour l’instant,les patrons viennent de Mars et les députés de Venus. Ou l’inverse.
Et la lumière fuit
Malgré l’effet cliquet réalisé auprès de la population sur les enjeux climatiques grâce à la science (et aux canicules), les régressions par-ci par-là que nous évoquons régulièrement dans ces lignes dessinent ensemble les traces d’un grand renoncement écologique mondial.
Avec le retour de Donald Trump, les patrons européens ont opposé réglementation (Green Deal) et compétitivité. En France, l’écologie avait au préalable servi de bouc émissaire aux premiers ministres pour régler la crise agricole, et mené la droite et l’extrême droite à menacer l’existence de l’Office National de la Biodiversité et de l’ADEME. Le RN s’est saisi du sujet en le positionnant comme le fruit de la bureaucratie bruxelloise pour alimenter sa stratégie de défiance contre les élites et l’Europe.
Pour garder le cap, saluons de petites éclaircies : l’environnement garde une très bonne place dans les préoccupations de la population, le Haut Conseil pour le Climat élève la voix et appelle à un sursaut collectif, Sciences Po lance la Paris Climate School et l’Assemblée nationale rejette en masse le moratoire sur les EnR.
« C’est dans les moments les plus sombres que nous devons nous concentrer pour voir la lumière. » – Aristote (Onassis)
Les associés de Kéa
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