Continent, banane, trolls - Bulletin du 12 septembre
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Bulletin #145 de la semaine du 12 septembre

Blletin 145

En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.

Chères lectrices et chers lecteurs,

En cette semaine de « Bloquons tout ! », les associés de Kéa essaient plus que jamais de débloquer avec vous les sujets d’actualité et vous proposent le décryptage des faits suivants :

L'envie d'avoir envie

 

Vous vous en doutiez, c’est désormais officiel : d’un point de vue écologique, la donnée scientifique ne suffit pas pour changer les comportements.  

 

C’est la principale conclusion du premier rapport du GIECo, le GIEC du comportement : la connaissance des crises environnementales ne suffit pas à passer à l’action et de plus, le manque d'information n’explique que très peu l’inaction. Cette dernière est plutôt due (1) à la méconnaissance des solutions, (2) aux investissements qu’elles impliquent. À l’inverse, les changements de comportements écologiques proviennent souvent de considérations tout autres (santé, goût, valeurs personnelles, influence sociale…). 

 

Il nous faut des solutions concrètes, accessibles, positives ! Et les collectivités locales commencent à le comprendre : retirer des places de parking, c’est non, les remplacer par des terrasses de restaurants, c’est oui ! Depuis qu’il a lu le rapport, notre responsable RSE raconte aux consultants qu’on « pécho » plus facilement à vélo qu’en voiture… 

À l'Ouest, du nouveau

 

Les Européens veulent une Europe plus forte et se sentent plus européens que jamais.

 

En quelques mois, l’Europe voit chanceler à peu près tout ce qui avait fait le succès de son modèle (énergie bon marché, sécurité américaine, libre-échange, démocraties pacifiées) et les Européens n’y sont pas indifférents. Au lendemain de la signature de l'accord inégal avec les États-Unis, une étude du Grand Continent révèle un puissant sentiment d'humiliation chez les citoyens européens et l’exigence d'une Europe plus forte et plus autonome.  

 

En effet, les balbutiements de son adaptation stratégique semblent insuffisants à l’heure où l'Amérique fait cavalier seul et où la Chine et ses alliés désignent l'Occident comme leur ennemi. Christophe Degryse, chercheur à l’ETUI (Europe Trade Union Institute) préconise qu’au-delà d'une stratégie industrielle, elle sache réaffirmer une identité singulière et qu'elle revivifie ses valeurs. Il ne faut plus seulement rattraper la Chine et les États-Unis, mais également offrir aux Européens un futur désirable.  Ursula von der Leyen appelle l’Europe à « prendre son indépendance » dans son discours sur l’état de l’Union. Malgré tout, 60 % des Européens souhaitent sa démission du fait de sa posture jugée « trop faible » face à Trump.

 

Pas de chance Ursula, pour une fois qu’on connaissait le nom d’un président de la Commission !

 Pas si tôt Pareto

 

À la loterie de l’Intelligence Artificielle, seuls quelques happy few semblent avoir trouvé la martingale. Car la loi de Pareto, si chère à tout consultant qui se respecte, ne s’appliquerait pas à l’IA. Les millions de gains générés par l’Intelligence Artificielle iraient à 5 % des entreprises, les autres perdant leur mise, selon une étude du MIT menée auprès de 153 chefs d’entreprise.

 

Autre surprise de l’étude : cette martingale ne suppose aucun génie technologique. Il suffit de prendre l’IA « par le bon bout ». Deux bouts dirons-nous. D’abord, se focaliser sur les processus back-office. Exit donc ChatGPT et Copilot si vous voulez améliorer votre P&L. Ensuite, se concentrer sur les cas d’usage qui collent à la réalité du terrain : le POC n’est pas la mesure de toute chose. Les auteurs insistent donc sur l’importance du passage à l’échelle dès la sélection des cas d’usage.

 

Gilles Babinet rappelle toutefois les travaux de l’économiste Paul David : les véritables gains mettent plusieurs années à se concrétiser. Est-ce une excuse à la procrastination ? Pas vraiment, répond le MIT : il faut se mettre en marche, le fossé de l’IA se creusant très rapidement. Alors on avance sans modération, mais avec discernement et volontarisme. Mangeons la banane par les deux bouts !

Trolling in the deeeeeeeeeep (fake)

 

Les trolls sont-ils en passe de devenir la règle dans le débat public ? Ces êtres magiques des mythologies nordiques se sont dématérialisés dans les Internets pour bouleverser le débat public et déstabiliser nos démocraties.

 

Autrefois apanage des États ennemis ou de certains populistes, ils sont maintenant utilisés par les démocrates aux États-Unis pour combattre sur le même terrain que les républicains. Le gouverneur de Californie Gavin Newsom affole ainsi la toile et ressuscite les démocrates en détournant la communication des MAGA. Tantôt gladiateur cosmique sauvant l’Amérique, tantôt avec une couronne de roi sur une fausse couverture de Vanity Fair, le gouverneur veut « tendre le miroir » aux républicains.

 

Et si cela nous fait bien rire, la fin justifie-t-elle les moyens ? Nicolas Muset, auteur de l’Unomie, craint une extrémisation du débat public poussée par l’économie de l’attention. Il propose de codifier l’éthique du débat par 5 principes, dont le non-respect pourrait être sanctionné : honnêteté, bonne foi, loyauté, respect mutuel, dignité. Et dire qu’on pensait qu’on apprenait ça au CP.

Maquillage à l’italienne

Nos voisins transalpins sont-ils en plein Rinascimento économique ou déjà promis à un fiasco ?

 

Alors que les taux français font le sorpasso des taux italiens, le belcanto de la Botte résonne et, il faut l’admettre, nous fait envie.

 

Mais le succès actuel du pays de Machiavel provient surtout des politiques structurelles menées au bord du gouffre que la tarentelle des gouvernements n’a pas su détricoter. Principaux condottieri : la réforme « Fornero » des retraites (2012), le « Jobs Act » de Matteo Renzi (2015) et, non des moindres, les presque 200 milliards d’euros du plan européen NextGenEU obtenus et planifiés par Mario Draghi après la Covid.

 

Le gouvernement actuel joue-t-il seulement une Commedia économique, se reposant sur les décisions difficiles antérieures ? Pas tout à fait : le refus du « quoiqu’il en coûte » par Giorgia Meloni a préservé les finances publiques au prix d’un effort des ménages – plutôt l’inverse du populisme.

Dolce vita économique de façade : derrière ce moment allegro, les fondamentaux restent fragiles – déclin démographique, croissance faible, productivité stagnante, vulnérabilité douanière et sous-intégration des femmes sur le marché du travail. Questa nave fa duemila nodi*

 

*Ce navire va à 2 000 nœuds (3 704 km/h tout de même) Francesco de Gregori, Titanic.

Les associés de Kéa

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LIEN D'INSCRIPTION

N°145 du 12.09.2025

Rédacteurs en chef : Sophie Combes, Jean Gaboriau

Rédacteurs : Pierre Girard, Wendy Röltgen, Mathieu Noguès, Yves Pizay, Jérémie Viel

Secrétaire de rédaction : Irène Miquel

 

Ont collaboré à ce numéro :

Oualid Essaid, Marie Guilbart, Carine Lesigne, Stéphanie Nadjarian, Paul Puechbroussou, Chloé Secnazi, Romain Thievenaz

Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer

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