En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de retour du service militaire, les associés de Kéa remplissent leur gamelle d’actualités et refont les news au carré :
Datas, ton univers impitoyable
Les GAFAM sont les nouveaux rois du pétrole, et ce n’est pas qu’une façon de parler.
Dans une interview à La Croix, l’historien Fred Turner dresse, métaphore filée à l’appui, le parallèle entre l’extraction du pétrole par les conglomérats pétroliers et celle des données par les géants de la tech.
Les Meta et autres Google seraient, en quatre décennies, passés de l’ère du réseau, de l’idéal de l’interaction libre et harmonieuse entre êtres humains, bref, de la contre-culture à celle du forage de données, la ressource la plus profitable de notre temps. Et, nous dit l’enseignant à Harvard, ils polluent désormais à la fois la nature et la société, en dévoyant nos interactions et nos habitudes qu’ils pillent pour les revendre.
Fred Turner en veut pour preuve la délocalisation de Tesla et d’Oracle au Texas, attirés comme les pétroliers avant eux par ses vertus géographiques (grands espaces et électricité), économiques (fiscalité heureuse et peu de régulation) et même mystiques. Les géants de la tech renouvellent sans vergogne les croyances prophétiques des nationalistes chrétiens – persuadés d’être les élus qui doivent faire fructifier les ressources pour faire advenir le royaume de Dieu sur Terre. Les deux populations se retrouvent dans leur proximité avec le pouvoir, comme tous les magnats avant eux.
Comme quoi, les rebelles d’hier font toujours les Magnats d’aujourd’hui.
COP à… Copacabana
C’est une COP30 brésilienne sans saveur qui vient de se terminer. Mais tout n’est pas à jeter, et l’Europe y a retrouvé du panache.
À voir la tête du président de la COP30 lors de la clôture, le résultat n’est pas à la hauteur de ce qui devait être un grand passage à l’action : aucune référence aux énergies fossiles (lol), aucun objectif concernant la déforestation (au Brésil !).
Mais il serait dommage de passer à côté de 3 signaux faibles encourageants. D’abord, l’objectif de +1,5 °C des accords de Paris est conservé malgré la contre-soirée de l’international climatosceptical boys club. Ensuite, l’aide financière pour l’adaptation au changement climatique des pays en développement va tripler et la notion de transition juste a été entérinée.
Enfin, au plus fort de l’événement, une coalition de 90 pays conduite par les européens a porté une feuille de route ambitieuse (et finalement supprimée) de sortie des énergies fossiles. Très mécontente, une partie de ces pays emmenée par la Colombie et les Pays-Bas décide de faire sécession et de traiter cette question en dehors du cadre de l’ONU.
La COP, Belem ou tu la quittes.
It’s the psychology, stupid!
L’économie française va mieux qu’on ne le pense !Au lieu de 1,8 % de croissance entre 2019 et 2023, c’est désormais un fier 4 % qu’affiche l’Insee, à l’occasion de sa révision statistique usuelle (décryptée par l’OFCE.)
Différence fondamentale : le récit économique de la France post-COVID change. D’une « économie en panne de demande et avec une productivité en chute libre »,nous passons à une « économie relativement dynamique et en plein ajustement, réorientant sa production à l’extérieur »,« proche de son potentiel de croissance ».
Que s’est-il passé ? Une révision du PIB de routine, affinée. Alors que nous commentons toujours l’indicateur publié en temps (quasi) réel, basé sur des indices de CA, l’Insee affine celui-ci les années suivantes, lorsque les données administratives et fiscales définitives des entreprises lui parviennent.
Est-il possible de mieux calculer le PIB ? L’enjeu est de taille : de 2001 à 2024, ce sont 0,2 points de pourcentage de croissance qui sont systématiquement sous-estimés. Proposées par l’OFCE, des solutions techniques existent. Au-delà des faits, l’enjeu, c’est aussi notre moral, celui des consommateurs et entrepreneurs. Et il est maousse.
L’économie, c’est rien que de la psychologie, chéri.
Pour le meilleur et pour le biais.
À l’IA le volume, à l’humain la valeur.Face à l’illusion de la force de travail toute-puissante que l’IA nous fait miroiter, Charles-Edouard Bouée met en garde : si l’IA réalise 80 % du travail, les 20 % restants – ceux effectués par l’humain – deviennent décisifs. Il avertit de ne jamais se satisfaire de ces 80 %, de toujours apporter au volume sa valeur, c’est-à-dire l’expertise. Savoir-faire, vision, style, attention au détail, capacité à resituer le travail et la décision dans un contexte, voici autant d’éléments qui font la différence. Même lorsqu’ils portent leur biais.
Puisqu’il y a toujours des biais, autant préférer ceux d’un humain que nous connaissons – collaborateur, collègue, etc. – plutôt que ceux d’un humain que nous ne connaissons pas – celui derrière l’algorithme utilisé. Voilà le message de Florent Menegaux lors de l’ouverture des Entretiens de Valpré. Reprenant la métaphore du marteau, il rappelle que l’outil n’a jamais fait l’artisan ; seule compte la main qui le tient, sa responsabilité, son jugement. Le rôle du dirigeant est alors de récompenser cet exercice du jugement, qu’il mène à l’erreur ou à une bonne décision.
Alors paillettes, combi et c’est parti : « Si j’avais un marteau ! »
La muette qui parle
Quand « la grande muette » retrouve la parole, c’est pour nous alerter sur l’imminence d’un conflit avec la Russie. Un rapport de l’IFRI nous éclaire sur l’état des forces en présence, et l’Europe ne part pas perdante.
Sur le plan militaire, la Russie dispose de forces terrestres plus importantes, qu’elle ne craint pas de gaspiller (20 des 30 pays européens de l’OTAN ont des forces terrestres inférieures à 15 000 hommes !). L’Europe a une nette supériorité navale et aérienne, et une forte avance technologique. L’arme nucléaire reste au centre de la stratégie d’intimidation russe, déployée au plus près de nous, en Biélorussie.
L’avantage géopolitique et économique est largement à l’Europe. Nos alliés sont plus nombreux et plus variés, notre économie bien plus forte. Selon notre niveau de résistance, l’agresseur russe reste libre de sa stratégie : une escalade non contrôlée dans la guerre hybride, l’attaque d’un voisin non OTAN (Moldavie…), une guerre frontale avec l’OTAN. L’Europe se défend : elle a renforcé son autonomie énergétique très rapidement et fortifie son industrie de guerre. Elle se consacre désormais à sa « force d’âme » (sic Général Mandon). Dit plus clairement, à préparer la patrie et ses esprits à l’éventualité d’une guerre et de ses conséquences. Et à éviter l’épidémie de pieds plats.
Les associés de Kéa
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