En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semained’orages, de grêle, d’inondations et de fortes chaleurs, les associés de Kéa continuent de vous éclairer sur le climat général, et vous arrosent des faits suivants :
IA pas de doute
L'IA nous rendrait bêtes. Vraiment ?C’est en tout cas le message (en apparence) sans appel d’un papier du MIT qui a défrayé la chronique en montrant comment l’utilisation de l’IA pouvait générer de la « dette cognitive ».
3 groupes d’étudiants ont été observés. L’un a utilisé Google, le second ChatGPT, et le dernier ses connaissances seules. Celui qui a utilisé ChatGPT a montré en moyenne une activité cérébrale inférieure de 55 % au groupe travaillant sans Google ou ChatGPT.
Que faut-il en penser ? L’étude a été menée sur un échantillon restreint et est biaisée par des cas d’usages particuliers nous rappelle Gilles Babinet. Et comme elle en est encore à un stade initial de recherche, ses résultats doivent être vérifiés et débattus par les scientifiques. Aussi, pour ne pas perdre confiance dans les experts, il faut garder à l’esprit la frontière entre la recherche (« ce que l'on explore », ce qui est propre aux experts) et la science (« ce que l'on sait », les connaissances partagées), rappelle régulièrement Etienne Klein. Ne nous emballons donc pas si vite.
Quant à l’IA, restons conscients de ses effets potentiels. Nou, on l’utilize pa dutou.
L’Europe somnambule
Dans la famille européenne, demandez la diplomatie.Il n’a échappé à personne qu’en pleine crise iranienne, l’Europe essaie de se mobiliser… mais sans réussite apparente. Et les médias européens s’en émeuvent.
La négociation sur le nucléaire iranien avait pourtant été son fait d’arme. En opposition à la guerre et par attachement au multilatéralisme, elle avait conduit depuis 2003 une négociation politique et technique ayant amené les États-Unis à signer l'accord de 2015. Elle cherchait depuis lors à les faire revenir à la table des pourparlers.
Mais face au double jeu des Iraniens, à l'hostilité de Trump et à l'influence de Netanyahou dans ce nouveau monde des puissances, la réaction européenne est dissonante et presque surannée.
Sur la forme, l’Europe affiche ses divisions comme l’illustrent l'impuissance de Kaja Kallas et l'aveu cynique de Friedrich Merz : « remercions les États-Unis d'avoir fait le sale boulot ». Sur le fond, elle se contente de se présenter comme la voix de la maturité, tentant de rationaliser les décisions américaines sans affirmer une vision diplomatique qui lui serait propre. Le média italien « La Stampa » dénonce une position de « somnambule ». La diplomatie multilatérale serait soudain devenue une langue morte et l'Europe n'aurait d'autre choix, si elle veut se comporter comme une puissance, que d’en devenir une.
Allez, on se réveille, et on ne tombe pas du toit.
Algue verte, carton rouge
L’État multiplie les signaux de recul sur l’écologie et se fait, dans le même temps et en conséquence, sanctionner par les citoyens et les ONG.
Deux nouvelles sanctions lui pendent pourtant au nez pour inaction environnementale. Tout d’abord, la justice vient de le condamner à payer une indemnisation aux proches d’un joggeur mort dans une zone polluée par des algues vertes. L’affaire a fait grand bruit et elle est le sujet d’un film et d’une (excellente) BD. D’autres citoyens victimes d’inondations, de fissures dans leur maison ou de conditions de santé dégradées par le changement climatique se joignent par ailleurs au collectif “L’affaire du siècle” (qui avait obtenu une première condamnation de l’État pour inaction climatique en 2021) et déposent un recours en justice contre l’État.
Le droit reste ainsi le meilleur contre-pouvoir mobilisé par les citoyens et les ONG pour rappeler l’État à ses obligations. Reste à savoir si les sanctions auront le moindre effet sur lui. La parole est à la défense.
État-preneurs
En poussant le concept d’État-entreprise jusqu’au paroxysme, Trump ne nous montre-t-il pas que l’on ne peut pas gérer un État comme on gère une entreprise ?
De Berlusconi à Macron, en passant par Sarkozy, le modèle du dirigeant-entrepreneur a la cote en politique depuis belle lurette. Entre promotion de l’efficacité et gestion techno-rationnelle de l’État, les dernières décennies ont vu le monde politique s’imprégner de slogans issus de l’entreprise.
Trump veut parachever ce tableau, bien décidé à diriger les États-Uniscomme l’une de ses entreprises, à coups de décisions unilatérales et tonitruantes. Mais sa vision de l’État, entreprise à un seul actionnaire, ainsi que le souligne l’économiste Pierre-Yves Gomez, se heurte aujourd’hui aux intérêts de trop nombreuses parties prenantes. Pensons aux épargnants qui dézinguent ses droits de douane instaurés du jour au lendemain. D’autant plus que cela intervient à un moment où la puissance publique connait une triple dissolution ; financière (par les entreprises cotées), digitale (par les GAFAM), et sociétale (par les réseaux). Le Chef d’État, dont le pouvoir se trouve amoindri, sera désormais contraint de prendre en considération toutes ses parties prenantes.
Une petite leçon pour nos entreprises ?
Déficit commercial féminin
Où sont les femmes dirigeantes ? A l’étranger, nous apprennent Les Echos, car elles seraient un de nos plus beaux produits d’exportation !
Ces derniers mois, de hauts potentiels féminins se sont vu confier de très hauts postes à l’étranger. Marguerite Bérard, ex-numéro 2 de BNP Paribas a fini par entendre les sirènes du néerlandais ABN AMRO et part diriger ce navire. La Française Fidji Simo intègre quant à elle le COMEX d’Open AI et devient numéro deux de Sam Altman.
La France apparaît pourtant comme un eldorado du leadership masculin. En effet, au même moment, nous importons Antonio Filaos pour succéder à Carlos Tavares et Luca de Meo pour prendre la tête de Kering. Le mercato international se porte bien.
Est-ce à dire, à la manière de David Ricardo, que la France détient un « avantage comparatif » ? Celui-ci résiderait cette fois-ci dans la production d’un leadership féminin stratégique, que nous saurions exporter, mais pas exploiter localement ? Dans un élan féministe, on serait tenté de parler d’une « balance commerciale négative » (no offense, chers lecteurs masculins). La hausse des droits de douane, est-ce que ça s’applique au capital humain ?
Les associés de Kéa
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