En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine radioactive, les associés de Kéa préfèrent le Bulletin aux bullets et privilégient l’enrichissement du débat en décryptant les faits suivants :
Mi-Trump, Mi-Tterrand
Chine, Union européenne et même Etats-Unis : l’interventionnisme économique revient à la mode.
Make America French Again : voilà le secret inavouable du président étatsunien selon The Economist. S’inspirant d’une tradition française aussi ancrée (et exagérée ?) dans l’imaginaire américain que les grèves et la consommation de grenouilles, il touche aux droits de douane, prône le contrôle des prix (pharmaceutiques), promeut des champions nationaux (Stargate project sur l’IA) et des nationalisations (US Steel). À tel point que le journal britannique évoque son « François Mitterrand intérieur » – la force de l’esprit en moins.
Et l’Union européenne ? Elle développe son propre modèle, inspiré par la France mais adapté aux circonstances actuelles. Les caisses sont vides, les méthodes doivent changer. On mise donc sur les formules gagnantes : place à la politique de l’« Airbus de » (des batteries, des satellites, du cloud, on en passe et des meilleures). L’Union européenne cherche ainsi à cibler des secteurs précis, stratégiques, avec une participation publique sans ingérence, complétée si besoin par quelques outils ad hoc (taxe carbone sectorielle par exemple).
On n’a plus d’argent, mais on avait Tonton.
Toi + Jeux + Nous (et tous ceux qui le veulent)
Un an après les Jeux, tout le monde se pose la même question : par quel miracle les Français ont-ils déjoué tous les pronostics en offrant au monde les plus beaux Jeux jamais organisés (en toute objectivité bien sûr) ?
La réussite de cette acrobatie tient selon la Fondation Jean-Jaurès à un programme sportif très rigoureux. Il a d’abord fallu sauter (très) en hauteur. Car les JO ont fait la part belle aux audacieux. Spectateurs « early birds », organisateurs, sportifs et artistes, ce sont eux qui ont réussi, par leur audace, à embarquer les foules.
Il a ensuite fallu se tourner vers les sports d’équipe. Le mode de gouvernance des JO est un modèle d’intégration des parties prenantes : des pouvoirs publics aux bénévoles en passant par les organisations sportives. Passage obligé enfin par la 3e mi-temps : les JO, c’est le succès du retour de la fête. Marquant la fin du distanciel, ils ont remis le collectif au centre et lui ont donné une forme physique (et enjaillée).
Sans oublier l’épreuve de relais des entreprises. Orange a mis à disposition son réseau, la RATP a assuré un service sans faille et EDF a réalisé la vasque.
La France a donc la recette pour gagner : appliquons-la pour rafler d’autres succès. Le jeu en vaut la flamme.
Je vous IA compris
Et si l’IA, tout en portant une vision déshumanisante de la société, permettait aussi d’aller un cran plus loin dans sa compréhension ?
On n’avait pas vraiment entendu parler des résultats du cahier de doléances des gilets jaunes, « Le Grand débat ». C’est chose faite, et on a bien fait d’attendre. Hugo Micheron, maître de conférences à Sciences Po, et la Fondation Jean-Jaurès ont analysé les plus de 400 000 contributions de la société civile à l’aide d’une IA nommée Arlequin, permettant de combiner enquête représentative et travail en profondeur. Un mariage entre « quanti » et « quali » dont aucun chercheur n’aurait osé rêver.
Cela tombe bien, cette étude plus précise que d’ordinaire traduit la maturité de participants avec un niveau de réflexion élevé et nuancé sur les sujets politiques – loin des clichés politiciens qui caricaturent les divergences. La frustration d’absence de restitution n’en est que plus forte.
Un outil de décryptage de la société aux potentielles vertus politiques majeures ? Compréhension plus fine des attentes et leviers à mobiliser, meilleure fabrique de la Loi, promesse démocratique renforcée… les perspectives font rêver.
Ah si Louis XVI avait eu Arlequin…
Changement de saison, changement de veste
Après les dirigeants européens qui s’assoient sur leurs engagements en matière d’environnement, voici les chefs d’entreprise qui retournent leur veste écologique.
Les entreprises sont en première ligne (ou ex aequo) face au réchauffement climatique, entre stress thermique et augmentation des épisodes météorologiques extrêmes. L’adaptation devient une obligation à marche forcée (décret d’application le 1er juillet) : horaires et postes aménagés, mise en place de moyens technique de réduction de la chaleur, équipements de travail appropriés.
Et pourtant, ces dernières connaissent leur propre « backlash» tenant à des raisons parfois peu sérieuses et encore moins stratégiques : pas envie d’être accusées de wokisme, taxées de green washing… ou de rater la dernière tendance (IA…).
Une dichotomie s’installe ainsi entre suiveurs de mode versatiles et entreprises engagées auxquelles notre modèle économique met des troncs dans les roues (bio, électrique…). Chers patrons, c’est bien connu, rien ne se démode plus qu’une mode. Essayons donc d’œuvrer de manière pérenne à une planète intemporelle.
Green is the new black.
Tu seras un chef mon fils
Le refus d'être chef en entreprise serait-il le reflet des faiblesses du modèle français ?
Alors que tout en haut de l’échelle les grands patrons font l’objet d’un véritable mercato (cf. Luca de Meo qui passe de Renault à Kering, sûrement moins pour ses compétences sectorielles que pour son statut de superstar…), la dernière enquête Cégos, conduite dans 10 pays européens, nous apprend que 56 % des cadres refusent de devenir manager, contre 36 % en moyenne.
La cause ? Un modèle d’entreprise à la française avec une plus forte charge de travail (77 % contre 67 %) et un faible respect du droit à la déconnexion, mais aussi jugé trop hiérarchique et contrôlant. En conséquence, la valorisation statutaire n'excite plus vraiment de jeunes générations soucieuses de leur autonomie et de leur utilité sociale.
Une crise qui trahit donc la volonté d’un modèle plus participatif, privilégiant la coopération à la subordination, qui en rappelle d’autres : la Ve République, les maires qui démissionnent, les doyens qui s'interrogent, les chefs de service qui renoncent.
Qui c’est qui va cheffer maintenant hein ?
Les associés de Kéa
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