En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de… bien des choses ultra réjouissantes, les Associés de Kéa s’inspirent du Ballon d’Or français, dribblent la morosité et vous passent les faits suivants :
La morale de l'histoire
Pour protéger la biodiversité, rien ne sert de renvoyer dos à dos la morale et l’économie. On peut les mobiliser toutes les deux.Voilà ce que propose l’écologue, philosophe et économiste Lauriane Mouysset.
Son constat : quand bien même la nature ne saurait être monétisée – car elle a bien le droit d’être défendue pour elle-même et non pour les économies qu’elle peut générer – une défense purement morale de la préservation de la biodiversité n’est pas encore aujourd’hui en mesure de prospérer.
Lauriane Mouysset appelle donc à « affronter le mastodonte ». C’est-à-dire à regarder les logiques économiques qui sous-tendent les prises de décisions et à favoriser l’incitation. Les actions en faveur de la biodiversité nous éviteraient un coût supplémentaire de 2700 milliards de dollars par an d’ici à 2030, selon la Banque Mondiale.
Faut-il voir là l'échec d’une prise de conscience profonde et le triomphe de l’économisme sur la morale ? Ou plutôt la capacité d‘une nouvelle génération d’économistes – et de dirigeants ! – à travailler sur les deux approches, en attendant que notre système de valeurs ait évolué ?
On parie sur l’option 2… mais c’est peut-être parce qu’on a le moral.
Suggestion du chef
Mieux travailler, c’est possible !Si la France s’illustre par une faible qualité du travail, elle peut encore rattraper la sauce. Comme Escoffier révolutionna la cuisine à la française, la brigade de Sciences Po dévoile sa recette secrète dans Travailler mieux.
Le mal travail a un coût. D’abord, pour le salarié – santé mentale, santé physique (pénibilité) et décès au travail (750 par an en France). Mais également pour l’employeur : 20 000€ par personne et par an de coûts cachés dus au mauvais management qui génère en outre perte de sens et d’autonomie.
Pour rattraper le coup, un menu en 3 services : chiffrage du « mal travailler », ouverture du dialogue et participation des salariés. Et surtout, un accord « chercheurs & dirigeants », version contemporaine du « mets & vins ». Anne Rodier, journaliste et membre de la brigade, souligne la nécessité de cette alliance entre chercheurs virtuoses et dirigeants étoilés conscients des contraintes du réel, pour sublimer nos entreprises.
En France, on n’a pas de pétrole mais on a des chercheurs au top et des top chefs.
Don't Look Up
Le ciel devient le reflet de la terre : il perd sa cohésion.Trou d’air ou turbulences prolongées ?
Le ciel est un symbole. Tout au long du XXe siècle, il a reflété l’évolution des relations internationales – la règlementation internationale de l’aviation civile a été mise en œuvre dès 1944 sous l’égide de l’ONU. Et les incidents, quoique dramatiques, sont restés rares.
Depuis 2022, le ciel nous tombe sur la tête. Les ballets aériens russes s’épanouissent dans les ciels de l’Union. Nous avons connu récemment plus de vingt incursions dans les espaces aériens de l’Otan, Mig et drones confondus, avec une accélération spectaculaire ces dernières semaines : Estonie, Pologne, Danemark peut-être… sans compter le brouillage GPS devenu systématique aux frontières orientales de l’Otan. Une Otan qui ne reste pas inerte malgré la tiédeur des Américains, l’organisation ayant décidé de renforcer la défense aérienne de ce flanc Est.
Prenons conscience de ces enjeuxpour que les ciels restent les plus beaux endroits de la terre.
Il est pas frais, mon poisson ?
Désaccord n’est pas synonyme de blocage.Lors de la première Nuit des Controverses, le philosophe Patrick Viveret nous appelle à construire des « désaccords féconds » en passant de « se battre » à « débattre ». Rassurez-vous, le village doit rester gaulois : l’objectif est toujours de s’invectiver, mais de manière constructive.
Loin de n’être que philosophique, la question est très pragmatique. Les conflits stériles et les guerres de position improductives sont des loisirs que nous n’avons plus le luxe de nous permettre. Ils mènent à une inaction trop onéreuse compte tenu de notre déficit – démocratique et budgétaire.
Comment faire alors pour créer des « désaccords féconds » ? D’abord, assurer l’intégrité physique des parties. Et cela sans naïveté : face à des acteurs créateurs de conflits, savoir également construire du conflit est essentiel. Ensuite, pour dépasser les logiques de combat et de domination, il faut construire des espaces de sécurité propices à la discussion. Deuxième condition, assurer l’intégrité émotionnelle de tous en dépassant les procès d’intention pour s’assurer que l’autre ne puisse pas annihiler nos valeurs ou notre identité.
Alors bon banquet !... mais sans Assurancetourix, tout de même.
L'aveu des vieux
Drôle d’époque.Sans concertation, Jean Pisani-Ferry et Jean-Louis Bourlanges, recevant chacun leur insigne d’officier de la Légion d’honneur, se sont livrés à un mea culpa de 30 ans de vie publique. Ici et là, deuxdiscours aux airs d’auto-accusation stalinienne.
Ces discours étonnent par leur lucidité. Ils contiennent des mots durs pour la génération des « Boomers », qui est la leur : déconnexion entre exigences économiques et aspirations sociales, enfants gâtés de l’histoire, irresponsabilité, naïveté, égoïsme, divisions. Même l’espoir de 2017 est décrit comme une politique « pratico-inerte », notion chère à Sartre.
Pas abattus pour autant, ils confient leur héritage à la génération montante : ils conseillent de transformer le monde en aspirant à de hautes ambitions, de rêver, enchoisissant les bons modèles. « Tâchez de faire mieux que nous. Voyez loin, pensez juste, soyez forts. Ne vous inspirez pas de nous, regardez la génération d’après-guerre ». Celle-ci a réussi l’union sur l’essentiel, malgré les antagonismes.
Pas sûr qu’il faille répondre « Ok, Boomer ».
Les associés de Kéa
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