Transition, tagliatelles, tuto - Bulletin du 16 mai 2025
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Bulletin #135 de la semaine du 16 mai

Bulletin 135 du 16 mai-1

En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.

Chères lectrices et chers lecteurs,

En cette semaine d’ouverture du festival de Cannes, les associés de Kéa croisettent les sources et portent un certain regard sur les faits suivants :

L'empire au milieu

 

On connaissait le hard power de la Chine. Elle se met désormais activement au soft. Son pouvoir économique et diplomatique est incontestable (elle a fait plier les États-Unis sur les tarifs douaniers), son pouvoir militaire également (le pays tisse des partenariats stratégiques avec la Russie, les pays du Maghreb et dans toute l’Afrique).

 

Et si son autarcie culturelle et sa langue paraissaient devoir limiter l’hégémonie chinoise, Xi Jinping travaille son soft power d’arrache-pied. Il séduit le sud global avec un discours rappelant un « siècle d'humiliation » par l'Occident, et ses voisins régionaux avec un discours sur les imaginaires anciens réinterprétés.

 

Ses Instituts Confucius (un réseau de 500 centres culturels à « but non lucratif » opérant dans 154 pays), qui offrent à la fois des cours de mandarin, des raviolis et la danse du dragon, portent la voix du parti et soutiennent l’expansion de la culture chinoise. Les résultats sont là : le Kenya met le chinois à ses programmes scolaires dès 2020. De l'IA au réseau TikTok, sponsor du festival de Cannes, la culture chinoise fait son nid. En détricotant l’Occident, Trump lui offre un cadeau inespéré. A l’Europe de défendre son modèle si elle préfère voir advenir un siècle européen. Let’s Shine without Chine.

Travailler plus pour gagner moins

 

Pauvreté, tensions sociales, exclusion : on nous avait dit qu’inverser la courbe du chômage résoudrait tous nos maux. Pourtant celui-ci a baissé de 3 points entre 2015 et 2022 sans que le taux de privation matérielle et sociale ne baisse significativement, selon le récent panorama du CNLE. On l’a lu attentivement. Les chiffres sont là et ça fait mal.

 

Car les emplois créés ne permettent plus de sortir de la pauvreté, la situation des inactifs se dégrade et le niveau de vie des personnes modestes progresse moins que le seuil de pauvreté. Le sentiment de pauvreté explose (18,7 % des Français se considèrent comme pauvres en 2022 contre 12,4 % en 2015), tout comme le sentiment d’exclusion. Exclus des services publics (2 habitants sur 5 ont un accès difficile à la santé en zone rurale), sous-valorisés au travail, se sentant ignorés dans leurs difficultés, ils peinent même à jouir de leurs droits (faute d’information et à cause de délais de traitement trop longs et de démarches compliquées).

 

Les moins favorisés perdent ainsi confiance dans les institutions qu’ils perçoivent comme punitives et excluantes. Alors, pour éviter chez nous le phénomène des « working poors » (salariés qui vivent dans leur voiture aux États-Unis) : le travail c’est bien, le travail qui paie, c’est mieux. (Allô, 2027 ?)

Climat d'urgence

 

Pour la première fois, les banquiers s’inquiètent des impacts à court terme du changement climatique. C’est ici, c’est maintenant, Badaboum !

 

Le NGFS (le club des banquiers centraux qui pensent aussi à la planète) publie cette semaine des scénarios climatiques de court terme, soit des projections économiques à 3/5 ans, croisant risques physiques et risques de transition (pas assez rapide, s’entend). Et ne rien faire pourrait coûter cher, tout de suite. Ainsi, dans le cas d’une transition en route et en ordre (« Highway to Paris »), on limite la casse à un très léger -0,4 % du PIB européen d'ici 2030 – à peine une égratignure par les temps qui courent. A l’inverse, dans le scénario « Diverging Realities », des politiques climatiques hésitantes couplées à un chaos climatique pourraient coûter jusqu’à 1,7 % du PIB européen.

 

On devrait (tous) désormais avoir compris que le réchauffement s’accélère et que le coût de l’inaction dépasse celui de l’action. Mais cet exercice constitue surtout un changement de focale, en faisant du climat non plus un machin à horizon aussi lointain que commode, mais un sujet business critique, avec stress tests à la clé.

 

Alors, Highway to Paris plutôt qu’Highway to hell?

Prince Agli

 

Fin de l’abondance, dérèglement climatique, chaos géopolitique : le capitalisme est contraint de se transformer. Mais comment, nous direz-vous ?

 

L’économiste Michel Aglietta, qui vient de nous quitter et qui a fondé la théorie de la régulation, laisse un héritage aussi riche qu’inspirant. Il a montré que le capitalisme ne fonctionne que s’il articule de manière cohérente un régime d’accumulation (produire, consommer, investir) et un mode de régulation (institutions, normes, politiques publiques).

 

Opposer les mondes politiques et économiques est donc vain. Il faut concevoir un nouveau capitalisme ensemble, au-delà des positions partisanes. Prenons des exemples : réguler les GAFAM ou financer la transition écologique ne doivent pas être uniquement des choix techniques. Ce sont des choix de société. Plus encore, Michel Aglietta a montré que la monnaie n’est pas seulement un objet technique. Elle n’existe que par la confiance sociale et des institutions politiques fortes (vive l’euro !).

 

La régulation de l’économie, alliée d’un capitalisme désirable, assure son bon fonctionnement grâce à la planification et au dialogue avec la société pour déterminer une stratégie politique collective. Vous reprendrez bien une assiette de tAglietta ?

Just do it (right)

 

Une entreprise soutenant publiquement une cause prend le risque d’être abandonnée par ses clients. Mais comme nous pensons qu’il faut continuer de vous donner notre avis, nous partageons avec vous une étude de deux chercheurs américains, qui explique comment défendre ses combats tout en limitant la casse.

 

C’est parti pour un tuto :

  1. S’assurer que la cause est largement soutenue par les collaborateurs et pas seulement par le PDG, pour se faire une idée exhaustive des réactions potentielles des parties prenantes (coucou Elon !)  
  2. Veiller à ce que la cause soit cohérente avec le positionnement et les engagements traditionnels de la marque. 
  3. Ne pas (trop) attaquer ses clients fidèles : le risque de les froisser augmente à mesure que l'engagement ressemble à une critique directe de leurs comportements ou de leurs croyances. 
  4. Enfin, s’engager collectivement avec d’autres entreprises pour diminuer fortement le risque de rejet. 

    L’exemple de Nike est particulièrement intéressant : en sponsorisant un joueur de football sympathisant du mouvement black lives matter, la marque a perdu de son aura auprès du public conservateur mais ses clients habituels ont adhéré à la démarche.

     

    Les associés de Kéa s’engagent donc à suivre ces enseignements à partir de maintenant. VIVE LES STONES, A BAS LES BEATLES !!! Un consultant, ça apprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps.

    Les associés de Kéa

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    LIEN D'INSCRIPTION

    N°135 du 16.05.2025

    Rédacteur en chef : Sophie Combes, Jean Gaboriau, Chloé Secnazi

    Rédacteurs : Pierre Girard, Mathieu Noguès, Romain Thievenaz, Jérémie Viel

    Secrétaires de rédaction :

    Marie Guilbart, Wendy Röltgen

    Ont collaboré à ce numéro :

    Oualid Essaid, Carine Lesigne, Irène Miquel, Stéphanie Nadjarian, Paul Puechbroussou

    Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer

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    Kéa, 3 rue Danton, Malakoff, France 92240, France

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