En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chers lecteurs,
En cette semaine royale et papale, les associés de Kéa font révérences, baise-mains et courbettes à l’actualité et analysent pour vous les faits suivants :
Les héritiers (de la loi Pacte)
Engager la transformation responsable des entreprises passe notamment par l’ouverture de leur gouvernance à leurs parties-prenantes, notamment leurs salariés. Cette intention louable de gouvernance partagée peut pourtant se heurter à certains mécanismes sociologiques, ainsi que le montrent les chercheuses Emmanuelle Nègre et Marie-Anne Verdier. La démocratisation exige des administrateurs salariés, outre qu’ils rompent avec le champ syndical, qu’ils réussissent à adopter des codes souvent implicites, le langage managérial et financier et la langue anglaise, qu’ils parviennent à pratiquer la coopération cordiale et qu’ils intègrent les codes vestimentaires et culturels que souvent ils ne maitrisaient pas auparavant. A défaut de posséder cet habitus, ils auront tendance à adopter les intérêts des acteurs dominants et à ne pas faire entendre leur voix, dans un système de pouvoir déséquilibré. Bam ! L’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme le dit Bourdieu,“le sociologue rompt le cercle enchanté en essayant de faire savoir ce que l'univers du savoir ne veut pas savoir, notamment sur lui-même”.
Le TT prend ses distances
Déjà fini le temps béni du télétravail ? Nombreuses sont, en tout cas, les entreprises qui en reviennent, à commencer par les géants de la Tech, qui avaient pourtant tout mis en place pour permettre le 100 % distanciel. Parmi les raisons de ce revirement, on avance l’esprit d’équipe en berne et la baisse de motivation des salariés : plus rien n’est bon dans le télétravail. Le retard des Français à l’adopter nous ferait presque passer pour des précurseurs, puisque nous travaillons par exemple en moyenne seulement 0,6 jour par semaine à domicile, contre 1,4 aux Etats-Unis. Ce mode de travail a pourtant ses avantages. Il permettrait notamment de réduire l’empreinte carbone des salariés, si l’on en croit une récente étude de l’Université Cornell: les personnes travaillant chez elles entre 2 et 4 jours par semaine émettraient jusqu’à 29 % de CO2 de moins que leurs collègues en présentiel. Ne le mettons donc pas à la poubelle sans faire le tri.
Zappeurs ? Zorros ? Zozos ?
La génération Z – les jeunes nés entre 1996 et 2010 – vient de s'illustrer par deux plaintes pour inaction climatique au Montana et au Portugal contre 38 Etats européens. Est-elle réellement aux avant-postes en matière d’engagement écologique ? Les jeunes se sentent davantage concernés que leurs aînés, mieux sensibilisés et plus angoissés. Une grande enquête de l'ADEME (Agence de la transition écologique) démontre que le bruit médiatique sur la génération Z et le climat doit être analysé avec circonspection. Au-delà des principes, les jeunes ne font souvent pas plus que de simples écogestes, ne renoncent à aucun pan de leur consommation et sont perdus quant aux actions à mener. L'ADEME propose des outils pour leur permettre de passer de la prise de conscience à un engagement véritable et les aider à se projeter dans un futur souhaitable. Pour l'heure, ils restent encore des Z comme zapping, des slashers (multipliant les attributs) peu enclins à échanger leurs Air-Nike contre un bol d'air pur. D'un Z qui veut dire zozo ? Non : on voudrait qu’ils soient des Zhéros, mais ils sont juste comme tout le monde !
Good bye high-tech, Hello low-tech!
Cette semaine, Polytechnique Insights, nous alerte sur l’importance d’une récente recherche sur les Low-Tech. Kezako ? Les Low Techs sont des technologies qui se distinguent par les trois critères suivants : elles sont utiles (répondant à des besoins réels), accessibles (simples à fabriquer, à déployer et adaptables en fonction des ressources et des contextes) et durables (optimisées pour réduire leur impact écologique et social). Leur terrain de jeu est immense, dans un cadre qui reste à construire (règles, cahier des charges, label, etc.) et avec une multitude de secteurs potentiellement concernés : par exemple, la mobilité, les usages numériques, l’habitat ou l’éducation. Le CNRS a d’ores et déjà lancé des projets autour de ces « sciences frugales ». Elles sont au cœur du scénario « génération frugale » imaginé par l’ADEME afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici l’an 2050. Même s’il est toujours plus complexe de faire simple, nos cœurs sont remplis d’espoir en pensant à ces chercheurs d’un nouveau genre qui consentent qu’il ne faille pas non plus « revenir à la bougie ». Nous ne citons personne.
La philosophie des lombrics
Où sommes-nous le plus utiles ? En agissant selon nos principes quitte à avoir peu d’impact, ou en ayant un impact réel quitte à sacrifier quelques-unes de nos valeurs en chemin ? Imaginez deux étudiants en agronomie, soucieux d’agir sur la crise écologique à l’aide des lombrics (connus, sachez-le, pour leur capacité à régénérer les sols). L’un se contente de vivre de façon frugale en autarcie avec ses vers de terre. Pour lui, être moral consiste avant tout à mener une vie conforme à ses valeurs, respectueuse de la planète, quitte à n’avoir aucun impact et à agir contre son propre plaisir. L’autre étudiant s’associe à une entrepreneure ambitieuse pour transformer sa passion des vers en licorne d’envergure mondiale, quitte à faire quelques compromis avec ses idéaux.
Ce dilemme, exploré par Gaspard Koenig dans « Humus », est dans l’air du temps : rappelez-vous les étudiants des Grandes Ecoles démissionnant au nom de l’écologie, au moment de leur remise de diplôme, auxquels certains ont répondu qu’il vaudrait mieux essayer de changer le système de l’intérieur. Gaspard Koenig oppose, en fait, deux visions de la morale : celle des déontologistes et celle des conséquentialistes. Pour les premiers, être moral implique de vivre conformément à des principes, puisque nous sommes incapables de prédire et de maîtriser les conséquences de nos actes. Pour les seconds, les conséquences d’une action en définissent le caractère moral, car, seule, la bonne intention ne suffit pas. Et vous, qu’en dites-vous ? A vos copies, vous avez 4h.
NB : Ce bulletin est rédigé par les équipes de Kéa Bonne lecture,
Les associés de Kéa
Vous appréciez ce bulletin ? N'hésitez pas à le partager autour de vous.
1er cabinet de conseil européen "société à mission", le Groupe Kea est reconnu pour apporter aux dirigeants des solutions créatives et trouver les modèles qui feront l'économie de demain. Sa raison d'être : entreprendre les transformations pour une économie souhaitable