En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
Encette semaine de rebondissements dans le dossier du rachat de nos dolipranes nationaux, les associés de Kéa n’ont pas mal à la tête et vous prescrivent les faits suivants :
Quand je serai grand, j’aurai une ville
Vous en avez marre des insomnies, tous les quatre ans, à la veille de l’élection américaine ? Créez donc votre propre « Network State ». Ces micros-états de droit privé sont le rêve de certains entrepreneurs de la Tech qui imaginent (après être partis à la conquête de l’espace, de la santé, des réseaux, etc.) remplacer les nationspar des start-ups administrées par la blockchain.
Comme dans Cryptonomicon, roman de Neal Stephenson, ces « data heaven » pourraient par exemple assurer à tous (vraiment tous…) une protection sans condition des données personnelles. Derrière cette vision, se cache une véritable idéologie, portée par la volonté d’entreprendre et une sainte horreur de la bureaucratie étatique et de l’imposition.
Mais les États-nations n’ont pas dit leur dernier mot. Le Honduras mène ainsi une lutte sans merci contre Prospéra, ville au large de ses côtes, détenue par une entreprise américaine qui unit ses « concitoyens-actionnaires » autour de la longévité humaine et des thérapies associées. Rassurez-vous, CD-Rome ne se fera pas en un jour et pourrait vite s’enrayer !
Les Oscars du risque
La onzième édition du « AXA Future Risks Report » est sortie et, sans surprise, la situation n’est pas rose. Retour sur le palmarès des risques qui nous menacent. Sur le tapis rouge, plébiscitée par le vote des experts et des ménages, la préoccupation environnementale tient la vedette.
Les sujets cyber & IA font, quant à eux, une apparition remarquée dans les risques identifiés alors qu’ils n’inquiétaient jusqu’à maintenant que les experts. La désinformation y occupe même un des rôles titres. Enfin, les tensions et mouvements sociaux remportent un Oscar d’honneur pour l’ensemble de leur carrière.
Le terme de « polycrise », qui désigne une situation dans laquelle chaque risque interagit avec les autres pour en démultiplier les effets, s’ancre par ailleurs dans les esprits. L’acculturation à la fin du monde tel qu’on le connaît fait donc son œuvre.
Et les assureurs en sont bien embêtés, évoquant même la possibilité de ne plus couvrir des événements tels que les catastrophes naturelles ou les dommages liés aux émeutes (en partie pour pousser les pouvoirs publics à prendre leur part ?). À quand la cérémonie des espérances ?
La richesse des nations 2.0
La prospérité reste au centre des préoccupations. Preuve en est : Daron Acemoglu et ses co-auteurs, nouveaux lauréats du prix Nobel d’Économie, démontrent que la prospérité des nations repose sur la qualité des institutions politiques et économiques et sur les rapports de pouvoir qu’elles entretiennent.
En particulier, un progrès technologique mal orienté ne renforcerait pas (ou très peu) la productivité des entreprises et aggraverait les inégalités.
Prenons le cas de l’IA, que Daron Acemoglu a passé au crible lors d’une intervention à l’UNESCO. Celle-ci ne pourra contribuer à une prospérité partagée qu’à deux conditions : (1) que nous en développions une vision sociétale et (2) que celle-ci soit complémentaire au travail (plutôt qu’en remplacement). Ne la laissons donc pas être accaparée par quelques acteurs et chérissons notre assemblée fragmentée, notre premier ministre critiqué et notre administration pléthorique. Ce n’est pas parfait, mais nous n’avons rien trouvé de mieux.
Les jeunes sont des vieux comme les autres
Les jeunes générations ne sont pas si novatrices dans leur rapport au travail, selon une étude du Cepremap réalisée à partir d'une enquête OpinionWay pour KÉA sur les représentations du travail des 16-45 ans.
Bonne nouvelle, pour commencer, plus d’un tiers des répondants salariés se disent « tout-à-fait engagés » dans leur travail et les proportions ne varient presque pas en fonction de la classe d’âge ! Plus surprenant, les jeunes salariés donnent aussi la priorité au salaire (58 % des 25-34 ans préfèrent par exemple un meilleur salaire à de meilleures conditions de travail).
Différence majeure toutefois, la flexibilité et l’ambiance au travail leur apparaissent significativement plus importantes que chez leurs aînés. L’autonomie et l'impact sociétal n’apparaissent quant à eux qu'en cinquième et sixième position. Ces choix semblent par ailleurs refléter des contraintes de situation liées à l'âge, plutôt que des aspirations divergentes. Cher patron, range le baby-foot et sors la moula !
La fin du début
« La crise néolibérale de la démocratie » n’est pas la crise finale, mais celle des commencements. Accrochez-vous, l’historien et sociologue Marcel Gauchet nous embarque dans un essai passionnant, Le nœud démocratique, qui parachève sa réflexion engagée dans Le désenchantement du monde et provoque déjà l’admiration de ses pairs.
Après avoir diagnostiqué la mort de Dieu comme pouvoir souverain et décrit le passage de nos sociétés à la démocratie moderne, Marcel Gauchet se penche sur les temps houleux que nous vivons, où la partie se joue entre néolibéralisme global et populismes locaux.
L’autonomie structurelle, dont nous nous sommes retrouvés dotés, nous incite à faire passer avant tout chose nos droits et libertés personnels, tout en exigeant la protection du collectif. Le néolibéralisme démolit alors le socle politique et social qui le porte, et le populisme répond au dessaisissement des moins dotés, vécu comme un déni de démocratie.
Une forme de crise d’adolescence de la démocratie, que Marcel Gauchet appelle à surmonter en l’approfondissant (en pensant des nouvelles formes de délibération, en remettant les normes au service des droits, en revisitant le passé, etc.). Finie la puberté, place à l’âge adulte.
Bon week-end, Les associés de Kéa
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Rédacteurs : Pierre Girard, Mathieu Noguès, Chloé Secnazi, Romain Thievenaz Secrétaires de rédaction : Paul Puechbroussou, Wendy Röltgen
Ont collaboré à ce numéro : Thibaut Cournarie,Oualid Essaid, Marie Guilbart, Carine Lesigne, Irène Miquel, Stéphanie Nadjarian, Yves Pizay, Jérémie Viel
Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer
1er cabinet de conseil "société à mission", le Groupe Kéa est reconnu pour apporter aux dirigeants des solutions créatives et trouver les modèles qui feront l'économie de demain. Sa raison d'être : entreprendre les transformations pour une économie souhaitable.