En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
Encette semaine d’habemus papam et de regain religieux incroyable (stat à l’appui), les associés de Kéa n’échappent pas à la trend : ils s’agenouillent sur les tapis, ont sorti les kippa, crient leur liesse en latin et confessent les faits suivants :
À la droite de la droite de la droite
Il va falloir revoir votre logiciel socio-politique.D’ordinaire, les études montraient que le vote FN était celui des classes malheureuses et que les luttes sociales et le rapport au travail débouchaient sur des revendications politiques. Attention, préparez-vous, tout change ! Du moins pour les jeunes, et du coup, sûrement pour l’avenir.
L’étude de l’Institut Montaigne sur les jeunes dévoile que le RN, désormais premier parti des jeunes, attire des diplômés de formations professionnelles courtes, ouvriers et employés, (plutôt des hommes) qui affichent un bien-être général élevé, signe d’une intégration sociale forte. De son côté, la gauche radicale retient davantage l’attention de diplômés de formations littéraires et en sciences humaines et sociales et de jeunes issus de l’immigration, en situation de précarité sociale ou de détresse psychologique.
Par ailleurs, si la polarisation globale des 16-30 ans se confirme, les facteurs explicatifs du vote semblent reposer davantage sur des ressorts individuels : idéologie,socialisation et émotions, plutôt que sur les effets de classe ou de rapport au travail.
Voilà, faut tout revoir. On est tout perturbé. On apprenait jadis, que plus l’âge avançait, plus on se droitisait. Si les jeunes commencent à l’extrême droite, où qu’c’est qu’y vont finir ? Vont faire un tour complet ?
Un rush qui coûte reuch
Les entreprises qui se ruent sur l’IA pourraient-elles terminer leur course dans le goudron et les plumes ?C’est, en substance, le message d’alerte niveau écarlate formulé cette semaine par Patrick Opet, directeur de la sécurité informatique de JP Morgan Chase.
A l’heure où l’innovation est synonyme de survie, les entreprises dégainent l’IA plus vite que leur ombre, et testent à tour de bras des solutions plus ou moins utiles sans forcément prendre le temps de comprendre ce qu’il y a derrière –en l’occurrence, des fournisseurs moins soucieux de la sécurité de leurs solutions que par le passé. Or, plus on injecte d’IA dans le système, plus on multiplie les portes d’entrée pour les cyber-méchants. Avec, en dernier ressort, failles et possibilités d’hacking sur toute la chaîne de valeur lorsque ce sont les fournisseurs de plateformes eux-mêmes qui sont attaqués. La tête dans le cloud, les pieds sur une mine.
Faut-il pour autant renoncer aux gisements d’innovation et de performance associés à l’IA ? Parions plutôt sur une IA ciblée, cadrée, et déployée avec une vraie stratégie à la clé. En somme, viser juste au lieu de tirer dans tous les coins… et se prendre des POC perdus.
Les Mystérieuses cités d’Euro
L’Europe, nouvel eldorado des investisseurs, pour de vrai. En éclaireurs, les marchés ! Au premier trimestre 2025, les flux d’allocation de portefeuille se détournent des États-Unis (- $6000 Mds) et se déplacent vers l’Europe (+ $1000 Mds). Pilleurs opportunistes ou pionniers stratèges ?
L’attrait pour les mystérieuses cités d’or européennes est plus profond. Il s’ancre dans l’esprit des investisseurs de long terme, séduits par leur fiabilité monétaire, des politiques budgétaires compréhensibles, des États de droit qui résistent, mais aussi par la stabilité politique, un système éducatif de qualité et des infrastructures de bon niveau.
Cet eldorado ne fascine pas, il inspire et surtout, il rassure. C’est une qualité rare dans notre monde incertain. Il permet une gouvernance lisible qui devient finalement coordonnée et volontariste (Relire les rapports Letta et Draghi, le Clean Industrial Act et le competitiveness compass…).
Mais, comme le souligne Denis Ferrand, pour que l’attractivité européenne devienne une réalité, attirer les investissements ne suffit pas : il faut ensuite accompagner la matérialisation des projets de développement. Nous, on penche plutôt pour l’investissement dans la transitionet dans l’innovation technologique. Sur ce sujet, on a perdu une bataille (digitale !) mais on n’a pas perdu les guerres, qui sont nombreuses à mener.En route, vieilles troupes !
Ibérique et rames-y
Le black-out ibérique est-il révélateur de la fragilité des énergies renouvelables, ou de celle du réseau européen en temps de transition ?
Juste après les évènements, une multitude « d’experts » a pointé du doigt sans nuance la responsabilité des énergies renouvelables. Pourtant, non seulement les causes de l’incident ne sont pas encore connues, mais surtout, les black-outs ne sont pas apparus avec les EnR et certaines régions du monde possèdent déjà des taux de pénétration de celles-ci supérieurs à ce que l'on pensait possible.
Xavier Daval, PDG de kiloWattsol, propose que cet événement soit l’occasion de questionner la structure du réseau européen plutôt que la nature des sources d’énergie déployées, et il fait remarquer que comme le solaire finira par s’imposer (non par idéologie mais par efficacité, étant déjà la source d’énergie la moins chère), nos systèmes électriques doivent aller vers bien plus de distribution interrégionale, de pilotage et de gestion des dynamiques locales, les EnR contribuant alors à la stabilité générale.
L’auteur prend l’exemple du Pakistan, qui, en 2024, face à une instabilité forte et une explosion des tarifs énergétiques, a connu une adoption rapide et populaire de l’énergie photovoltaïque (17 GW en quelques mois), celle-ci devenant la réponse à l’instabilité, et non sa cause.Alors, entre le cheval et le jockey, on remplace qui ?
Algorithme dans la peau
On connaissait la guerre des étoiles, la guerre contre le covid, la guerre démographique, mais la vraie guerre d’aujourd’hui est cognitive.
David Colon, historien et auteur de La Guerre de l’information montre comment les réseaux sociaux ont permis d’amplifier l’efficacité des techniques de guerre cognitives issues du monde militaire, dont le but est d’altérer le raisonnement de l’ennemi et de finalement « gagner la guerre sans la mener ». C’est aujourd’hui l’espoir de la Chine à Taïwan, elle qui est en train de fabriquer un « cocon informationnel » pour ravir les esprits sans avoir à ravir les corps.
Si l’idée est ancienne, les possibilités de manipulation offertes par les réseaux sociaux sont sans précédent. Prenons l’exemple du candidat d’extrême droite à la présidentielle roumaine qui a remporté le 1er tour de l’élection grâce à Tik Tok, alors qu’il était crédité de 1 % des intentions de vote 4 semaines plus tôt ! Astroturfing (fausses images de soutien massif), manipulation des algorithmes, faux comptes, micro-influenceurs disposant de liens très étroits avec leur base… Tous les stratagèmes des propagandistes modernes s’appuient sur nos biais cognitifs : biais de nouveauté, biais d’autorité, biais émotionnels (peur et colère) ou encore déferlement de « vérités illusoires » qui font perdre pied entre réel et fake news.
Une véritable science psychologique et technologique s’est développée avec ses savants et techniciens, utilisée notamment par les Russes et les Chinois. Voilà donc les ingénieurs qui vont nous mettre chaos (cf. le livre de Da Empoli que nous vous recommandons chaudement)
Les associés de Kéa
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