En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de printemps vert kaki, les idées européennes fleurissent, les abeilles drones n’ont pas encore attaqué, et les associés de Kéa vous présentent en rang les faits suivants :
Les Français et la Guerre
La France a une vision très binaire de la guerre et cela ne sert pas notre engagement.Entre la troisième guerre mondiale et la paix absolue, nous n’avons pas développé d’imaginaires intermédiaires. Ainsi, dès que le chiffon rouge s’agite à nos portes, nous croyons à la fin du monde.
L’historienne Bénédicte Chéron montre, que biberonnés à une double croyance d’invincibilité, tenant à notre force de dissuasion nucléaire d’une part, à la loyauté de notre puissant allié américain de l’autre, nous, Français, avons grandi peu avertis du large éventail de scénarios de guerres. Nos imaginaires ont été finalement largement préservés de la réalité des conflits armés auxquels le pays a pourtant pris part depuis la fin des années 1970, du Tchad à l’Afghanistan, en passant par le Liban.
Peu avisés, trop préservés, peu précis aussi, alors qu’un recours très généreux au vocabulaire et aux ressources de la guerre ces dernières années – des opérations Sentinelle massives à notre fracassante entrée en guerre contre le Covid – a fini de semer la confusion.
La conséquence : une radicalité qui prévient une bonne compréhension de l’espace et du temps dans lequel nous évoluons et diminue notre capacité à soutenir et s’engager personnellement et collectivement pour le pays si notre sécurité était en danger… Être résilient, ce n’est pas seulement s’armer, mais aussi comprendre clairement ce qui se joue. Contrairement à ce que nous dit Jules Renard, ce n’est pas parce que le ministre de la Guerre a démissionné que la guerre est supprimée. Eh eh.
Chef, non, chef !
Le management à la française serait anachronique ?
C’est le constat dressé par un rapport de l’Inspection Générale des Affaires sociales. Le management à la française serait vertical et peu coopératif. Peu d’encouragements, pas d’habitude du retour d’expérience, distance hiérarchique trop importante : l’élève France a tout faux et fait moins bien que ses voisins européens. C’est ensuite la cascade du désengagement : les salariés français ont moins d’autonomie et voient moins le sens de leur travail. Une étude du NBER va même jusqu’à dire que ce mode de management favoriserait des promotions de « fayotage ». Dans un monde hiérarchique, rien de mieux pour obtenir une promotion.
Et cette culture de la verticalité s’infuse dès l’école. Les institutions scolaires dispenseraient des formations trop académiques, sans considération du volet humain. Ainsi, dès 2017, PISA classait les élèves français en 20e position sur 32 pays de l’OCDE en travail collectif. Alors même que le monde du travail se complexifie et que les métiers demandant de la collaboration sont les mieux rémunérés !
De l’école au bureau, il faudra donc faire basculer nos modes de travail et de management vers davantage de collaboration… Pour ne pas continuer à porter le bonnet d’âne.
Les CAC-olingiens
Qui possède le CAC 40 ?
Les Américains ont les tech-oligarques… nous avons les dynasties familiales du luxe. Arrivant en deuxième position après les quelque 12 000 gestionnaires d’actifs dans un classement consolidé, les grandes familles représentent 21,2 % de l'actionnariat du CAC 40 fin 2023 (25,2 % pour les fonds). Les performances exceptionnelles du secteur du luxe en ont fait les grands gagnants de ces dernières années puisqu’elles ne représentaient que 9,7 % en 2012.
Autre élément marquant du classement : l’Etat français arrive seulement en 4e position avec 2,5 % du CAC 40, loin des trois plus grandes familles (Arnault 7,3 %, Hermès 5,5 % et Bettencourt 3,4 %).
Cette domination des dynasties du luxe illustre parfaitement la tendance des sociétés occidentales qui basculent de la méritocratie à « l’héritocratie » : le poids de l’héritage dans la production nationale a doublé depuis les années 60, triplé en Allemagne ! Créer les conditions de la capacité à faire fortune est dans le code-source du capitalisme et de nos économies.
Pourvu que la roue ait les moyens de tourner.
Higher high, lower low
Dans ce contexte de « backlash » venu des Amériques, le sujet RSE agit en effet démultiplicateur du succès ou de la fragilité d’un CEO…
C’est l’effet « higher high, lower low » quand les finances vont bien, les bons résultats RSE viennent renforcer l’image et les succès du patron. Inversement, lorsque les affaires vont mal, ses investissement RSE sont d’autant plus critiqués…
Bref. Dans la tempête, tenons le cap, car l’effet de « higher high et lower low » n’existerait pas si les sujets de responsabilité étaient au cœur des modèles d’affaires et pas… la cinquième roue de la Tesla.
La Parole est à la Défense
L’économie européenne peut-elle soutenir la Défense ? Question simple, choix décisifs. Le premier, stratégique, conditionne tous les autres : sortant d’une économie de la paix, voulons-nous effectuer un effort de guerre exceptionnel ou opérer une transformation profonde, durable de notre appareil productif ?
On le sait, le financement est nerf de la guerre. Xavier Ragot rappelle nos deux options : la dette, si notre effort est de court terme, la hausse des impôts (ou moindre croissance d’autres dépenses) si nous nous lançons dans une transformation de long terme.
L’augmentation de la demande via les commandes publiques européennes est un stimulus supplémentaire pour les entreprises. Bienvenu, il serait encore mieux accueilli si les Etats accompagnaient ces commandes par de grands programmes transnationaux. Cela permettrait de fédérer les acteurs européens de la filière par-delà les rivalités de frontières, et d’impliquer des industriels de secteurs proches de la Défense.
Côté offre, les intentions d’investissements montent, les cadences augmentent, bien que les PME marquent le pas. Des goulots de ralentissement demeurent sur les chaînes d’approvisionnement (qui vont mieux qu’en 2020), les lignes de production mais surtout sur le travail : à la fois en quantité et en compétences requises.
Financement de l’économie, filières européennes, compétences et plein-emploi, capacité à décider en Européens : bref, un sujet qui réunit tous nos plus grands défis économiques… et qui nous permettra, qui sait, de savoir résoudre tous les autres ? Comme dirait l’autre, la guerre donne de l’avancement à ceux qui ne reculent pas.
Les associés de Kéa
Vous appréciez ce bulletin ? N'hésitez pas à le partager autour de vous.