En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de surenchère tarifaire, les Associés de Kéa vous certifient un bulletin avec 125 % d’insights additionnels et vous livrent les 248 (euh, non, 5 finalement, « parce qu’ils sont gentils ») faits suivants :
Size doesn't matter
Et si les actionnaires qui comptent n’étaient pas forcément ceux qui pèsent ?
Zoom cette semaine sur l’influence des actionnaires « activistes ». Assez méconnus chez nous, ils ont pourtant une réputation sulfureuse. Et pour cause : on peut citer parmi leurs faits d’armes le récent retour au fossile de British Petroleum (BP) avec le limogeage de son DG Helge Lund, ou encore l'asphyxie de l'Argentine (oui) il y a 10 ans.
Le principe ? Minoritaires mais super-actifs, ils s'emparent de causes (les leurs, pas toujours les meilleures) et partent en campagne pour convaincre la majorité des autres actionnaires de voter comme eux. Contrairement à la plupart des autres investisseurs – dont des super fonds comme Blackrock ou Vanguard – qui votent « avec les pieds » en ne regardant que la valeur de l'action (vendent lorsque l'action baisse, achètent lorsqu'elle augmente), eux donnent de la voix et redirigent le troupeau.
Résultat : des coups de théâtre improbables qui font tanguer et parfois couler de beaux navires. Danger mortel ? Eux se considèrent comme une force de rappel du marché, un contre-pouvoir à un dirigeant peu challengé par les autres actionnaires qu’ils soient passifs, absents ou conflictés).
Bergeeeer tu doooors, ton mouton, ton mouton dort trop viiiiiiite…
Si vis pacem para dettum
Si nous ne sommes pas forcément à la veille d’une guerre, nous sommes entrés dans une économie du réarmement, et c’est du déjà vooou.Robert Frank, historien des relations internationales, analyse les trois moments de réarmement qu’a connus la France au XXe siècle : avant 1914, avant 1939 et au début de la guerre froide.
Ces périodes présentent des invariants : le réarmement coûte cher, dépend d’un temps incompressible de mise en mouvement de l’industrie, tend les ressources matérielles et humaines. On retrouve bien là les ingrédients d'aujourd'hui.
En pratique, une ligne de crète est systématiquement recherchée entre un niveau suffisant de financement, et la préservation d’un consensus indispensable aux temps qui viennent : l’endettement est préféré à l’impôt (so Macron) et la durée du travail est étendue pour dégager des marges de manœuvre (abolition des 40 heures en 1938, réforme de la retraite des fonctionnaires en 1953, abandonnée in fine) sans vouloir trop fâcher (so Bayrou).
Un défi par temps de dette élevée donc, et cela nous parle. La marche est cependant moins haute aujourd’hui, avec un objectif de dépenses militaires à 3,5 % du PIB contre 4,2 % en 1913, 8,6 % en 1938 et 9 % en 1953. La mobilisation européenne pour un effort commun porte ses fruits. Pourra-elle permettre d’éviter l’étape d’après ? Dette et paix.
O-méga si tu savais
Est-il encore possible de concilier stratégie et prospective dans ce monde étrange qui est le nôtre ?VUCA (Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu), BANI (Brittle/Fragile, Anxieux, Non-linéaire, Incompréhensible), OSPTQE (On Sait Plus Trop Quoi Encore – marque déposée par le bulletin)… les stratèges parmi nous ont de quoi être un peu perdus.
Ouf, la sacrosainte synthèse des Mégatrends 2025-2050 réalisée par le Club de Paris des directeurs de l’innovation est sortie et elle nous éclaire : les dirigeants doivent tenir compte de 10 Mégatrends, dont la liste chaotique – dérèglement climatique, tensions géopolitiques, croissance des inégalités… – est désormais business as new-usual.
En parallèle, attention à l’explosion de certains risques, incontournables : cybercriminalité, conflits géopolitiques et guerres (toute vraisemblance…). Anticipez également la lame de fond de la mésinformation (ah bon, vous avez des preuves ?). Enfin, et surtout, ces risques sont plus interconnectés que jamais : une vision systémique est nécessaire.
Rassurez-vous : les experts restent confiants quant à notre capacité à faire face à ces défis.Mais si vous cherchez de la glace, on a déjà tout acheté.
We❤️ DD
L’actuel bazar géopolitique, estocade au Développement Durable ? Que nenni !
Modèle hérité du XIXe siècle, l’économie linéaire (qui consiste à extraire, produire, consommer et jeter à l’infini) alimente d’un côté la dégradation sociale, sociétale et environnementale, et d’un autre, notre dépendance aux importations. C’est cette question de la souveraineté qui pourrait sortir le Développement Durable du statut de celui que l’on choisit en dernier pour venir dans son équipe.
L’économie circulaire, qui repose sur les 4 R (réduire, réparer, réutiliser, recycler), viendrait donc à la fois soutenir le tiercé gagnant de la transition énergétique (performance, électrification et énergies bas carbone) et nous faire recouvrer une indépendance remettant l’Europe au centre du village.
Avec un taux de recyclage de seulement 26 % pour le plastique consommé en France et de 50 % d’importation pour l’énergie consommée, le chemin est encore bien long. Mais le combat de la réindustrialisation ne fait que commencer et la ressource est juste sous nos yeux : dans nos poubelles.Faites un câlin à votre bac jaune.
Harder better faster stronger
A l’heure où les Etats-Unis cessent d’être le pays refuge que nous connaissions, nous, Européens, pourrions bien être en passe de nous métamorphoser pour le meilleur. Si l’on y regarde de près, les signes d’une reprise en main politique de notre destin européen se multiplient.
Sur le plan commercial, l’Union a construit une première liste de contre-droits de douane bien sentis en utilisant comme levier sa complémentarité en matière de production. Sur le front de la défense, la perspective d’une extension du parapluie nucléaire signe un tournant volontariste que l’ambition affichée d’une plus grande autonomie militaire vient appuyer. Les prises de position allemandes sont révélatrices d’une toute nouvelle attitude : nos rigoureux cousins d’outre-Rhin sont prêts à co-financer l’effort de réarmement, s’associent à un projet d’emprunt commun, relancent massivement leur économie et officialisent leur émancipation en annonçant le rapatriement de leurs réserves d’or des Etats-Unis.