En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de sémantique guerrière, les associés de Kéa vous proposent un réarmement d’actualité et mettent en joue les faits suivants :
Démocratie 3.0
Les réseaux sociaux, ferments de la démocratie ? D’après The Conversation, il suffirait en tout cas d’une simple évolution de modèle pour en faire nos nouvelles zones de débats démocratiques. Nombreux sont les reproches qu’on peut leur adresser : ils sont construits autour de l’économie de l’attention, polarisent les opinions et enferment l’utilisateur dans ses convictions. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Tout d’abord, parce qu’aucun autre media ne semble pouvoir redynamiser nos démocraties. La presse traditionnelle se concentre, les formats TV sont normés, les lecteurs de journaux sont de moins en moins nombreux et les débats physiques sont réservés aux citoyens déjà politisés. Dans ce contexte, les réseaux sociaux ont le mérite de rendre le débat accessible à des publics ayant décroché de la politique. Et pour les rendre plus démocratiques, certains acteurs font déjà bouger leur architecture numérique. Dans le sillage de feu-twitter (X), Mastodon et Bluesky, par exemple, laissent leurs utilisateurs choisir la logique d’affichage de leur fil, tandis que Tournesol (vidéos) propose des recommandations basées sur l’intérêt public. Considérons donc ces réseaux comme des espaces publics ? Et ne laissons pas la régulation à la simple main des entreprises. Réarmement démocratique !
Ne passons pas l’arme à gauche
Une redistribution de la puissance au détriment des Européens ? C’est sur ce risque géostratégique pour 2024 que Thomas Gomart ouvre le débat de cette année multi-électorale. Les Européens sont frappés par « les effets de bord » des trois grandes crises : Ukraine, Proche-Orient, Extrême-Orient. Rassurés par le resserrement de l'Alliance Atlantique dans la guerre en Ukraine, notre dépendance est accrue, dans un contexte de décrochage économique et stratégique, vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique. Une élection de Trump nous laisserait, en fin d'année, seuls face à Poutine et aux BRICS élargis, qui fonctionnent, sans la Chine, comme un « syndicat antioccidental ». L'autonomie stratégique et militaire, enfin envisagée par la Commission Européenne, est désormais un impératif absolu… et urgent. En route pour le réarmement géostratégique. Chef, oui Chef !
L’état de la lutte
Quelle est la bonne place de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique ? L'activisme écologique, lutte originellement anarchiste face à un Etat « croissantiste », adopte une nouvelle stratégie pour construire un pouvoir écologique. Par le procès « L'Affaire du Siècle », les ONG témoignent certes de leur défiance vis-à-vis de l’Etat, mais aussi de leur volonté d’une étatisation de la lutte climatique. Au moment même où il réorganise ses instruments dans l’orchestration de la transition climatique (Secrétariat Général à la Planification Ecologique ou le retour de l'Energie au Ministère de l'Economie) et où sa feuille de route pose question. Mais deux risques majeurs guettent. D’un côté, la sidération tétanisante face à la multiplication des risques pourrait mener à un aquoibonisme généralisé. De l’autre, un Etat léviathan écologique s'occuperait de tout, de son côté. L’écologie doit donc opérer sa bascule de la lutte vers le pouvoir sans se couper du monde. Il est essentiel que les politiques publiques contre le changement climatique restent l'objet d'une discussion politique. Le réarmement de l’écologie ne pourra pas se faire la fleur au fusil !
Intelligence humaine
Plus qu’un énième dossier alarmiste et racoleur sur l’IA, les auteurs du dossier Futuribles se veulent pédagogues et pragmatiques. Premier rappel : l’IA n’a rien d’intelligente au sens anthropomorphique. Elle dépend des données que l’humain lui soumet ainsi que de règles programmées. Elle n’a pas d’objectivité propre. L’humain en reste maître et peut en tirer les bénéfices qu’il souhaite. Notre rapport à cette technologie, dont les fondamentaux scientifiques nous échappent encore, doit prendre en compte ces réalités. La tentation est grande de succomber aux sirènes de la consommation technologique aliénée, qui nous mènera à coup sûr du côté obscur. De l’autre côté du spectre, certains pourraient vouloir l’interdire, purement et simplement, telle une nouvelle ligne Maginot qui nous priverait des bénéfices de l’IA, par exemple dans la lutte contre le réchauffement climatique et / ou le développement des thérapies géniques. Une troisième voie est toutefois possible. Les auteurs nous proposent d’envisager l’IA dans une logique de capital patient pour penser l’IA en regard de l’humain. Il faut ainsi la prendre en main, par l’apprentissage, l’expérimentation, le questionnement. En bref, soyons des humains conscients et volontaristes et utilisons l’IA pour réarmer notre futur.
Fermez la fenêtre d’Overton
« Français de papier », « grand remplacement », « ensauvagement »… Depuis quelques années, les plaques tectoniques du langage politique françaisse déplacent vers des expressions autrefois cantonnées à la sphère identitaire. C’est ainsi que la fenêtre d’Overton, mesure de ce qu’il est moralement licite de prononcer dans le discours public, s’élargit, entrainant avec elle une évolution dans la perception des problèmes sociaux et des groupes minoritaires. Qu’elles soient objectivement infondées, déshumanisantes, ou qu’elles promeuvent une citoyenneté de seconde zone, les expressions identitaires sont dorénavant ancrées dans le discours mainstream. Car il ne s’agit pas d’un simple glissement lexical, mais bien des prémices d’un basculement idéologique. La victoire sémantique prépare le terrain de la victoire politique et sans réarmement de notre langage la tempête pourrait bien passer par la fenêtre.
Bonne lecture,
Les associés de Kéa
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Rédacteur en chef : Sophie Combes et Jean Gaboriau
Rédacteurs : Pierre Girard, Alexis Heuls, Yves Pizay,Romain Thievenaz
Secrétaires de rédaction :Wendy Röltgen, Raphaëlle Sassi
ont collaboré à ce numéro : Thibaut Cournarie, Marie Guilbart,Stéphanie Nadjarian, Mathieu Noguès, Chloé Secnazi, Benjamin Toison
Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer
NB : Ce bulletin est rédigé par les équipes Kéa
1er cabinet de conseil européen "société à mission", le Groupe Kea est reconnu pour apporter aux dirigeants des solutions créatives et trouver les modèles qui feront l'économie de demain. Sa raison d'être : entreprendre les transformations pour une économie souhaitable