En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de nouvelle mode des compromis et des coalitions, les associés de Kéa s’accordent, malgré les divers courants qui les agitent, et vous proposent le décryptage des faits suivants :
Écoute, écoute
Défiance !Bien plus que les facteurs économiques, elle est pour Jason Furman, économiste à Harvard et ancien conseiller de Barack Obama, le vrai mal de l’Occident qui consume nos démocraties et soulève les populismes.
Et, une fois encore, la France se distingue avec une défiance plus profonde qu’ailleurs, exacerbée depuis la covid-19 par la remise en cause des experts. Elle y joue le Cerbère à trois têtes : elle est verticale (défiance vis-à vis des élites et des institutions), horizontale (vis-à-vis des « autres » en général) et temporelle (vis-à-vis du futur).
Que faire ? « Ne changez pas d’avis, changez vos actions ! » nous dit Furman en conclusion des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence. Pour cela, une méthode adressée aux politiques et dirigeants : « 1) Ne mentez pas, 2) N’induisez pas en erreur, 3) Convainquez en écoutant les autres et non pas en vous répétant et 4)Écrivez un récit en commun. » Voilà ce qui, dans notre contexte politique, prend une dimension toute particulière.Rétablir la confiance serait donc l’art de passer de la bouche à l’oreille. Écoutons.
Heal the world
Saurons-nous renoncer à l’augmentation de notre temps libre pour œuvrer à la survie de la planète ?C’est la question que pose Pierre-Noël Giraud dans son dernier ouvrage, Du Pain et des Jeux. Une économie politique des usages du temps. Selon lui, la révolution de l’IA vient donner corps à la prédiction de Keynes selon laquelle, à terme, le progrès technique réduirait considérablement le temps de labeur de chacun.
L’économiste dessine en conséquence un « scénario détestable », dans lequel la cohorte de travailleurs désœuvrés, car inutile au système, serait entretenue par du pain (les aides sociales) et des jeux (sur les plateformes numériques du futur).
Un scénario alternatif et salutaire à double titre existe pourtant. Au terme duquel l’usage du temps libéré serait réorienté vers le soin des hommes, mais aussi celui de la planète. Les tâches dans ce domaine étant nombreuses et cruciales. Scénario qui impliquerait toutefois une durée de travail égale, voire supérieure…Allez on se lève du transat, on va arroser les plantes et on sort Mémé.
Du bon côté de la IIIe force
La mort du fait majoritaire ouvre une ère de coalition au Parlement. Que nous enseigne l’histoire des grandes coalitions des Républiques du siècle dernier ?
Contrairement aux idées reçues, leur bilan est impressionnant. La coalition de Raymond Poincaré avec la dévaluation du franc, la gratuité du lycée, la création des assurances sociales. La Libération et ses grandes réformes. La paix en Indochine et la politique de croissance du gouvernement de Pierre Mendès France. Nées d’une crise aigüe, elles se terminent le plus souvent en queues de poisson, quand un groupe quitte la coalition.
L’obstacle à cette coalition n’est pas la Constitution plastique de la Ve République, mais la puissance du mythe présidentiel qui fait que chacun garde les yeux fixés sur 2027. Il transforme les partis en écuries présidentielles. À l'évidence, le basculement de la légitimité de l'exécutif vers les Chambres ne se fera pas en un jour, ni sans douleur.La France le vaut bien.
Du romanesque en économie
Les récits d’entreprise comptent, nous le savions ; mais leurs effets peuvent désormais être précisément mesurés.L'importance du rôle des récits d’entreprise dans les fluctuations économiques vient d’être modélisée par Joel Flynn et Karthik Sastry deux économistes de Yale et Princeton, dans The macroeconomics of narratives.
Les narratives sont des récits partagés qui donnent sens au monde. Les deux auteurs ont calculé qu’ils auraient contribué pour 32 % au repli économique lors de la crise du début des années 2000, et 18 % pour celui de la Grande Dépression.
Les récits affectent les croyances directement aussi bien au niveau individuel qu’au niveau du groupe par un effet de contagion. C’est ainsi qu’une entreprise pessimiste peut être entraînée vers la croissance par un environnement optimiste et inversement. Et vous, quel est le récit souhaitable que vous proposez à votre entreprise ?
Lectures d'été
Ah, l’été… Ce moment d’oisiveté délicieuse qui nous autorise à plonger, avec avidité ou torpeur, dans la lecture… Pour le célébrer, les associés de Kéa vous proposent une petite sélection d’ouvrages à dévorer sans vergogne.
Pour ceux qui veulent oublier le bureau et la ville d'un coup en se plongeant dans une intrigue palpitante, lisez Les Tourmentés de Lucas Belvaux. On a adoré cette chasse à l’homme et ce récit enchâssé haletant. Ou, Le sacrifice du roi de Livie Hoemmel,mi-roman d’espionnage, mi-roman d’amour, quinous plonge dans le monde des échecs en pleine Guerre Froide.
Pour ceux qui veulent au contraire éclairer le réel, et ses complications politiques, lisez La Force de Gouverner de Nicolas Roussellier pour comprendre les ressorts du pouvoir exécutif en France. Ou bien la biographie de Kissinger, Le diplomate du siècle,par l’ambassadeur Gérard Araud pour recevoir quelques leçons sur l’art du compromis et de la diplomatie. Dans un autre genre, on lira la Vallée du Silicium d’Alain Damasio, un récit technico-poétique qui analyse les évolutions de nos sociétés sous l’effet de la Tech.
Pour ceux qui tremblent devant les perspectives d’arrivée au pouvoir de certaines forces politiques, lisez Les millions de monsieur Mellon, un thriller juridico-financier dans lequel Romain Huret montre comment Roosevelt a mis les super-riches à genoux dans les années 30.
Enfin, pour ceux qui sont plutôt « esprit JO », Le Nageurde Pierre Assouline retrace l’histoire incroyable d’Alfred Nakache, ce champion juif revenu d’Auschwitz, qui représenta la France aux JO de 1948.
Un très bel été à tous, et rendez-vous à la rentrée.
Bonne lecture, Les associés de Kéa
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Rédacteurs : Jean Gaboriau, Pierre Girard, Mathieu Noguès, Chloé Secnazi
Secrétaires de rédaction : Marie Guilbart, Paul Puechbroussou, Wendy Röltgen
Ont collaboré à ce numéro : Thibaut Cournarie, Oualid Essaid, Carine Lesigne, Irène Miquel, Stéphanie Nadjarian, Yves Pizay, Romain Thievenaz
Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer
1er cabinet de conseil européen "société à mission", le Groupe Kéa est reconnu pour apporter aux dirigeants des solutions créatives et trouver les modèles qui feront l'économie de demain. Sa raison d'être : entreprendre les transformations pour une économie souhaitable.