En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chères lectrices et chers lecteurs,
En cette semaine de célébration de la lecture, les Associés de Kéa vous proposent vos 15 minutes de lecture quotidienne en vous livrant les faits suivants :
2+2=5
En matière de post-vérité, la réalité 2025 pourrait rattraper la fiction 1984 et nous, Français, ferions mieux d'y prendre garde.
Outre-Atlantique, 4 000 livres sont retirés des bibliothèques publiques, des cours et des budgets sont supprimés dans les universités, la climatologue en chef de la NASA est remerciée et des scientifiques sont interdits d’échanges avec leurs homologues étrangers. Le philosophe Jean-Jacques Rosat nous rappelle « qu’il ne peut y avoir deux maîtres : le Parti et la science », et ce Blitzkrieg anti-rationalité d’un Donald Trump (dont le Vice-Président a officiellement désigné les professeurs comme des ennemis) n’est malheureusement pas un cas ponctuel et isolé.
En France, à l’instar de l’ADEME, de l’OFB ou de l’INRAE, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) fait, comme son homologue américaine, l’objet d’une pression inédite quand ses conclusions ne vont pas dans le sens des intérêts du gouvernement – qui refuse alors d’ignorer la science. Eurasia pourrait donc rapidement rejoindre Océania.
À moins que… les initiatives comme celles de l’Université d’Aix-Marseille qui accueille des scientifiques américains ne renversent soudainement la tendance ; et n’annoncent un nouveau leadership scientifique européen, à contre-courant de la politique.
Et si on inventait un crédit d'impôt recherche pour les entreprises ? Oh wait...
Brian is in the kitchen
Si les progrès en matière d’égalité hommes-femmes au travail sont encore ténus, la bonne nouvelle pourrait venir… de la maison.
Car, alors que la crise du Covid avait aggravé les inégalités de genre, le télétravail a permis depuis de les atténuer dans la sphère domestique : la prise en charge des tâches domestiques s'accroît ainsi sensiblement pour les hommes qui télétravaillent (soit 1/4 des salariés et 2/3 des cadres), mais pas pour les femmes. Cela vaut pour l’ensemble des économies occidentales et, selon Claudia Senik, cela pourrait n’être qu’un début.
Un progrès bienvenu, alors que la réduction de l’écart salarial cache encore toute une série de facteurs discriminants d’ordre culturel : l’orientation scientifique des filles, l'accès aux responsabilités les plus élevées, la durée du travail, le maintien en activité à l'arrivée du 3e enfant et plus globalement le temps très inégal consacré aux tâches ménagères et au soin des enfants au sein des couples. D’où l’importance du rééquilibrage domestique.
De la machine à café à la machine à laver…
Bright Mirror
Deux ouvrages publiés récemment explorent en mode dystopique des scénarios proches et probables pour notre démocratie française. Et comme la dystopie est par définition un genre littéraire sombre, cela se ne termine pas très bien.
Mais alors, pourquoi les auteurs – un inspecteur des Finances publiques, un ancien conseiller de François Hollande à l’Elysée et le Directeur du think tank Terra Nova – nous racontent-ils des histoires à se faire peur quand l’actualité y contribue déjà largement ? Parce que ces deux ouvrages se veulent des catalyseurs : en nous projetant dans des mondes « raisonnablement possibles », entre Ministère de l’instruction et de la régénération morale et putsch juridique autoritaire, ils nous aident à (re)prendre conscience de ce que notre liberté et notre Etat de droit restent fragiles et précaires.
Au-delà, les auteurs nous donnent des clés pour nous rassembler, nous mobiliser, nous prémunir du pire et ainsi, éviter un futur écrit par d’autres. Malgré sa noirceur, la dystopie est en effet une source de lumière et une motivation à agir pour nos biens communs.
De grandes lectures pour le petit coin.
Il est de quelle couleur, le mur ?
Alors que nos dirigeants semblent vaciller en matière de transition écologique, le Canada est désormais dirigé par un ancien économistequi a contribué à la théorisation de la finance verte… et on a envie de dire « chiche ! ».
Dès 2015, Mark Carney – alors banquier central d’Angleterre (2013-2020) – fait un discours qui marque les esprits, développant la théorie de la « tragédie des horizons » : l’horizon (court terme) des décideurs financiers et économiques est incompatible avec l’horizon (long terme) du changement climatique avec ses impacts catastrophiques ; la génération actuelle n’a aucune incitation à agir et reporte les coûts sur les générations futures qui feront face à un mur infranchissable.
C’est pourquoi l’économiste invite les dirigeants à éclaircir nos horizons en leur adressant un mode d’emploi les encourageant à faire preuve de lucidité et à mesurer les risques climatiques (physiques et de transition), à les rendre publics méthodiquement pour mieux aiguiller les investisseurs, et à faire « de ces nouveaux horizons, de nouvelles opportunités », y compris pour les Etats.
Mark Carney sera-t-il en mesure de joindre les actes à la parole et de nous éviter le crash ? On se prend à rêver… Mark, est-ce que tu t’entends, hého ?
Chaud devant !
Le nouveau Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) est sorti cette semaine, et c’est peu de dire qu’il est fraîchement accueilli. Les critiques portent essentiellement sur l’absence de vision systémique, la faiblesse des moyens alloués (et pris aux agences existantes, comme l'ADEME, les Agences de l'eau, etc.) et l’insuffisante prise en compte des vulnérabilités sociales.
On peut aussi soupçonner les critiques de faire preuve d’une réticence quasi inconsciente à l’idée de devoir s’adapter, car cela reviendrait à reconnaître la fatalité du réchauffement. On comprend que l’intégration à tous les textes règlementaires pour un nouveau trajet de référence à +4°C en 2100 (par rapport à 1850) fasse froid dans le dos.
Le salut viendra-t-il des entreprises ? Alors que le Plan prévoit un travail de déclinaison spatiale coconstruit avec les parties prenantes locales, celles-ci sont enjointes d’évaluer leur vulnérabilité au changement climatique, d’infléchir leurs modèles d’affaires pour continuer d'exister et, au-delà, de jouer un rôle de facilitateur du déploiement des différentes mesures.
Une chose est certaine, le privé a de l’avenir, surtout pour le public.
Les associés de Kéa
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Secrétaires de rédaction : Marie Guilbart, Wendy Röltgen
Ont collaboré à ce numéro :Oualid Essaid, Jean Gaboriau, Carine Lesigne, Paul Puechbroussou, Stéphanie Nadjarian
Directrice de la diffusion : Iliana Ohleyer
1er cabinet de conseil "société à mission", le Groupe Kéa est reconnu pour apporter aux dirigeants des solutions créatives et trouver les modèles qui feront l'économie de demain. Sa raison d'être : entreprendre les transformations pour une économie souhaitable.