En tant qu'Entreprise à mission, Kéa a décidé de contribuer à sa manière aux grands sujets économiques & sociétaux et propose un décodage inédit.
Chers lecteurs,
Nous sommes tout heureux de vous retrouver après la trêve estivale du bulletin Kéa ! Nous espérons continuer de vous éclairer un peu sur quelques sujets d’actualité choisis, tout en nous autorisant, fidèles à notre habitude, quelques libertés de ton (le vendredi c’est permis).
En cette semaine de rentrée, les associés de Kéa, portent depuis longtemps l’uniforme jean-veste, et vous proposent un décryptage des faits suivants :
Etat-stratège : le come-back ?
Entreprise engagée et Etat-stratège, piliers d’une nouvelle économie politique ? Les procès intentés à la désindustrialisation et à la financiarisation sont désormais nombreux et fournis. Lorsqu’ils émanent d’un ponte de la finance, tel qu’Yves Perrier, accompagné du philosophe politique François Ewald, le verdict pèse soudain plus lourd, porte plus loin et touche plus juste. L’industrie, qu’ils voient comme le lieu traditionnel de création de valeur, a été abandonnée depuis les années 1990, avec la disparition de l’Etat stratège au profit du capitalisme financier mu par les multinationales anglo-saxonnes. Cercle vicieux, l’Etat dépérissant panse des plaies sociales sans avoir la capacité d’en traiter les causes qui l’affaiblissent. Mais, point de fatalité ! Le renouveau politique de ces dernières années va peut-être engendrer un nouveau pacte fédérateur entre acteurs privés et citoyens, pour que soit rendu à l’Etat son rôle de stratège. A condition que les entreprises replacent de leur côté l’intérêt général au cœur de leur gouvernance. René Char disait, « Agir en primitif et prévoir en stratège », nous dirions « Agir en responsabilité et prévoir en stratège ».
L’Ibère sera-t-il rude ?
La montée en puissance des extrêmes droites en Europe, facilitée par leur alliance avec des partis conservateurs, est-elle un inéluctable tsunami ? Le vote espagnol aux Elections Générales du 23 juillet dernier, au lendemain d'élections locales désastreuses, n'a pas tourné, malgré une issue politique encore incertaine, à la catastrophe annoncée. Les premières mesures des coalitions locales et régionales (5 régions concernées !), opérées entre le Parti Populaire et Vox sont très marquées à l'extrême droite : censure, antiféminisme… Elles ont, en conséquence, affaibli la posture centriste d'Alberto Nunez, le candidat du PP. Leur impopularité a limité les gains électoraux des Conservateurs et a fait perdre à Vox de nombreux élus. Elles privent l’extrême droitede perspectives d'alliance avec les partis régionalistes conservateurs et leur ferment l'accès au gouvernement. Voilà déjà qui contredit ceux qui soutiennent que l'exercice du pouvoir calme les ardeurs extrêmes et ceux qui pensent qu’à plusieurs on est toujours plus fort, quel que soit l’allié. En France, on préfère l’imitation à la coalition, est-ce plus raisonnable ?
Entreprises, prenez note, les Français ont des idées
Les entreprises doivent jouer un rôle central dans la transition écologique et, si l'on en croit les Français, cet engagement doit partir de la tête. Nos compatriotes sont 70 % à souhaiter que la rémunération variable des dirigeants des grandes entreprises y soit conditionnée. Impliquer les individus les plus puissants pour insuffler le changement dans l’entreprise et dans la société dans son ensemble semble être un prérequis. Les Français plébiscitent également des modes d’action collectifs, comme la mise en place de « bonnes pratiques » partagées entre acteurs économiques, qui leur parait plus efficace pour lutter contre l’obsolescence programmée que la liberté d’action de chaque entreprise ou la création d’un outil digital. De l’intérêt de structurer des filières sur l’ensemble des sujets cruciaux : technologiques, énergétiques, alimentaires, textiles ! Et puisque la confiance n’exclut pas le contrôle, près de 3 Français sur 4 souhaitent qu’au moins un administrateur soit chargé de représenter les intérêts de la nature et de la biodiversité au sein de chaque entreprise. Pas si bêtes, dites-donc, les Français… On s’y met ?
Et toi, tu as eu la moyenne ?
La chasse politique au vote des classes moyennes est ouverte. Le laboratoire d’évaluation des politiques publiques de Sciences-po relève à la fois la bonne résilience des classes moyennes en France depuis la crise de 2008 et la menace de précarisation qui pèse désormais sur elles. Plus précisément en ce qui concerne la partie inférieure de celles-ci, qui perçoivent entre 60 et 80 % du salaire médian français, et qui représentent 16 % de la population. Ils sont ouvriers et employés des petites villes, dépendants de leur voiture, affectés par l'inflation, le durcissement des règles d'indemnisation du chômage, le recul de l'âge de départ à la retraite et par une baisse de qualité de leur emploi. Ils subissent une menace de déclassement qui n'a pas échappé aux stratèges du RN, qui en font la cible prioritaire du parti pour grossir un vote populaire solidement acquis. François Ruffin, Gérald Darmanin et Bruno Lemaire ont également bien compris que le sentiment de vulnérabilité est un marqueur du vote en France. Tous taillent leur crayon, mais attention, pour avoir la Moyenne, il faut de bonnes notes partout !
(Daniel) Prophète en son pays
La disparition, cet été, du plus respecté des économistes français, écrivain prolifique et intervenant régulier sur nos ondes et écrans, est l’occasion de rappeler son héritage et de transmettre son flambeau. Précurseur en toutes choses – du fond aux modalités d’enseignement et de diffusion de sa discipline – il a vu très tôt et analysé avec brio des phénomènes tels que la fin de la croissance ou l’effet négatif de la globalisation sur les inégalités. Exceptionnel professeur – Thomas Piketty, Julia Cagé, la prix Nobel Esther Duflo sont, entre maints autres, ses élèves – Daniel Cohen incarnait la figure de l’intellectuel universel, cherchant à comprendre le monde dans sa globalité et il le faisait avec style. En grand séducteur de la pensée, il s’est battu pour attirer à lui tous les esprits brillants rencontrés sur les bancs de l’ENS, pour faire avancer le combat d’une économie concrète, utile et engagée – décryptant les inégalités avec Thomas Piketty, la pauvreté avec Esther Duflo, les comportements politiques avec Julia Cagé (voir la récente et déjà très remarquée publication de ces derniers sur les liens entre comportements politiques et inégalités sociales). Que redescende sur nous son esprit pluridisciplinaire, généreux et audacieux.
NB : Ce bulletin est rédigé par les équipes de Kéa Bonne lecture,
Les associés de Kéa
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